Standardiser ce qu’on n’a jamais appris à améliorer ?

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Publié le 17/12/25
Mis à jour le 17/12/25
3min de lecture
Standardiser ce qu’on n’a jamais appris à améliorer ?
David Miet | lagrandeconversation.com

Opération pilote BIMBY conduit par Villes Vivantes et la Communauté Urbaine du Creusot-Montceau entre 2017 et 2022

  • 1. L’échelle de l’action
  • 2. L’impossibilité structurelle d’apprendre par le projet
  • 3. La disqualification de l’incrémental au nom du  vrai projet urbain 

Je vous ai parlé dans le précédent article de la paresse de toujours tout vouloir réinventer. Parlons aujourd’hui de l’orgueil de la volonté de standardiser.

 Mais est-ce qu’il y a vraiment encore des gens qui cherchent à standardiser la ville aujourd’hui ? 

Oui.

Non pas tant par dogmatisme, mais par dépendance cognitive à des outils inadaptés.

Standardiser, dans la fabrique urbaine contemporaine,

  1. consiste de moins en moins à produire des formes identiques (et c’est heureux),
  2. mais de plus en plus à forcer la réalité urbaine à entrer dans des dispositifs de décision, de maîtrise foncière et de production hérités du XXème siècle — des dispositifs conçus pour des objets gros, synchrones, fermés.

Le XXème siècle a profondément valorisé la standardisation, et à juste titre : elle a permis des gains majeurs de confort matériel, de productivité, d’équipement.

Mais appliquée au tissu urbain et à la fabrique de quartiers, elle a largement montré ses impasses : rigidité, obsolescence rapide, incapacité à s’ajuster aux usages.

Pourtant, les outils sont restés.

Et leur permanence constituent de véritables verrous qui empêchent l’apprentissage.

1. L’échelle de l’action

Dès qu’un acteur public maîtrise du foncier — EPF, aménageur, opérateur — le réflexe est quasi automatique : regrouper, assembler, produire une  opération d’ensemble .

Même là où le tissu appelle de la dentelle, on fabrique du bloc.

Non parce que c’est optimal, mais parce que nos outils juridiques, financiers et opérationnels ne savent fonctionner qu’à cette échelle.

2. L’impossibilité structurelle d’apprendre par le projet

Un (grand) projet est unique, coûteux, politiquement exposé, juridiquement verrouillé.

Il ne peut ni être répété, ni corrigé finement, ni comparé à ses équivalents.

Il produit au mieux une bonne exécution, jamais un apprentissage.

À l’inverse, la densification douce relève d’un tout autre régime cognitif : des milliers de micro-décisions, désynchronisées, contextuelles, adaptables.

C’est précisément pour cela que l’urbanisme classique a échoué sur le sujet de l’évolution du pavillonnaire — et que le BIMBY y réussit : il accepte d’apprendre à petite échelle, depuis quinze ans, en accumulant des retours d’expérience réels Lancer une opération de densification douce pilotée par la collectivité : les erreurs à ne pas commettre dans la façon de nouer le dialogue avec les habitants Lancer une opération de densification douce pilotée par la collectivité : les erreurs à ne pas commettre dans la façon de nouer le dialogue avec les habitants .

3. La disqualification de l’incrémental au nom du  vrai projet urbain 

Lorsque ces derniers jours, Jean-Marc Offner et le Ministère de l’écologie (la DHUP) critiquent le BIMBY pour son absence de cohérence d’ensemble, ils ne critiquent pas ses résultats — ils critiquent son incompatibilité avec leurs standards cognitifs.

Ce n’est pas que le BIMBY ne produit pas d’urbanisme ; c’est qu’il ne produit pas l’urbanisme tel qu’ils savent le comprendre et le faire.

Ramener la production de la ville à un standard — ici le projet urbain du XXème siècle — ce n’est pas apprendre : c’est s’en empêcher.