Depuis le début de cette série, j’ai abordé ce qui, dans l’architecture du quotidien, semble donner vie à la ville : seuils habités, façades hospitalières, ornements…
L’étude scientifique1 que je souhaite partager aujourd’hui (découverte hier matin dans l’excellente newsletter de Robin Rivaton) montre que la beauté ordinaire
Le coût de la beauté et l’importance de l’ornement
est peut-être le levier le plus puissant dont nous disposons pour réconcilier les habitants avec la transformation de leur ville.
1. Cette étude, menée en Californie par Broockman et al. en 2025, repose sur un protocole d’une ampleur exceptionnelle :
- 21’400 personnes interrogées,
- 36 expériences contrôlées,
- un soin méthodologique rare en urbanisme.
Et son résultat est clair : bien plus que la densité, les usages (logements ou bureaux) et même la population qui sera accueillie, c’est la manière dont l’architecture est dessinée, perçue et reçue, qui se révèle être le meilleur indicateur du rejet ou de l’acceptation d’un projet.
- Lorsque les projets sont perçus comme beaux, le soutien progresse d’au moins 20 à 35 points ;
- Lorsqu’ils sont jugés laids ou banals, l’opposition s’élève de 25 à 40 points.
L’étude tranche un débat qui nous occupe depuis longtemps : ce n’est pas la densité qui provoque le rejet, mais la forme : l’absence de beauté perceptible.
2. Mais ce qui est peut-être le plus frappant, dans cette recherche, c’est la dynamique qu’elle met à jour
Les habitants des quartiers déjà beaux
se montrent beaucoup plus ouverts aux nouveaux projets que ceux vivant dans un environnement dégradé.
Autrement dit : la beauté quotidienne crée de la confiance.
Une confiance qui modifie profondément la façon dont les habitants accueillent la nouveauté.
- Une rue agréable génère de la bienveillance ;
- Cette bienveillance rend la transformation possible, moins longue, et donc moins coûteuse ;
- Ce qui permet d’être plus exigeant sur la qualité ;
- Exigence qui, à son tour, produit davantage de beauté ordinaire.
La beauté
de l’architecture du quotidien
La décoration au service de la densité
, le soin apporté à la forme urbaine de tous les jours, forment donc une sorte d’infrastructure civique : une condition de possibilité de la confiance, et donc de la densité, de la mixité, de l’évolution de nos cadres de vie.
Elle est ce qui rend durablement acceptable la ville qui change. Et donc la ville qui ne s’étale plus.
Et si le premier antidote au NIMBY se trouvait dans la manière dont nous dessinons les portes, les fenêtres, les rez-de-chaussée, les façades qui accompagnent nos pas ?
3. Dernière découverte : les préférences ne sont pas égoïstes
Elles sont sociotropiques
: beaucoup d’habitants ne se demandent pas seulement,
est-ce que cet immeuble me dérange ?
mais surtout :
que deviendra mon quartier si nous construisons comme ça ?
Et quoi de mieux qu’une nouvelle peinture de Thierry Lechanteur pour méditer la question ?
Notes :
- Broockman, D. E., Elmendorf, C. S., & Kalla, J. (2025). How sociotropic aesthetic judgments drive opposition to housing development [Preprint]. SocArXiv. https://doi.org/10.31235/osf.io/kz4m8_v2













