Lorsqu’une norme est construite sans apprentissage, elle ne corrige pas l’erreur : elle la rend obligatoire

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Publié le 17/12/25
Mis à jour le 17/12/25
3min de lecture
Lorsqu’une norme est construite sans apprentissage, elle ne corrige pas l’erreur : elle la rend obligatoire
David Miet / alamyimages.fr
  • 1. Une norme n’est pas un outil neutre : c’est un dispositif cognitif
  • 2. Normer : de l’erreur au dogme
  • 3. Quand la bureaucratie tue la ville

Dans les articles précédents de cette même série, j’ai décrit quelques mécanismes qui nous empêchent d’apprendre :

  1. croire devoir sans cesse réinventer,
  2. chercher à standardiser avant même d’avoir appris,
  3. simuler sans jamais mesurer.

 Se conformer à une norme , c’est l’étape suivante. Et sans doute la plus dangereuse.

1. Une norme n’est pas un outil neutre : c’est un dispositif cognitif

Elle fige, à un instant donné, une manière de voir le réel, de le découper, de le mesurer : et surtout, d’ignorer ou d’effacer ce qui échappe à ce cadre.

Lorsqu’une norme est construite sans apprentissage préalable robuste, elle nie l’erreur et rend impossible sa correction.

Dans un système sain, la séquence est claire :

  • observer
  • mesurer
  • comparer
  • corriger
  • stabiliser
  • transmettre

La norme devrait arriver à la fin de ce processus.

Or, dans la fabrique urbaine contemporaine, comme nous l’observons tous, elle arrive souvent au début (!)

Nous normons :

  • des modèles jamais confrontés au réel,
  • des indicateurs jamais corrigés par la mesure,
  • des hypothèses jamais mises à l’épreuve de la répétition.

La norme ne clôt plus un apprentissage.

Elle le remplace.

2. Normer : de l’erreur au dogme

Une hypothèse scientifique peut être fausse.

Un modèle peut se tromper.

Une simulation peut être corrigée.

Mais une fois normée, l’erreur change de statut :

  • elle devient incontestable,
  • elle se diffuse à grande échelle,
  • elle se protège de toute réfutation.

La norme transforme une incertitude en vérité administrative.

Elle ne dit plus :  voilà ce que nous pensons pour l’instant .

Elle dit :  voilà ce que vous devez faire .

3. Quand la bureaucratie tue la ville

Appliquée à des systèmes simples, une norme a priori peut fonctionner.

Appliquée à un système complexe, adaptatif, vivant comme la ville, une norme qui n’est pas le résultat d’un apprentissage a toutes les chances d’échouer.

La ville évolue et  apprend  lentement : par essais, erreurs, répétitions, ajustements.

La norme, elle, exige :

  • des objets synchrones,
  • des formes connues,
  • des performances prédéfinies,
  • des comportements prévisibles.

Autrement dit, elle demande à la ville d’être ce qu’elle n’est pas.

Nous prétendons gouverner la complexité d’une ville par la norme alors que la norme est, précisément, ce qui empêche l’apprentissage nécessaire pour la comprendre.

Nous remplaçons :

  • l’observation par la vérification,
  • l’expérimentation par le respect,
  • le retour d’expérience par le contrôle.

La norme n’est plus un outil de transmission du savoir, comme elle a pu l’être dans certaines disciplines : le point d’aboutissement de la R&D.

La norme est devenue, en urbanisme, dans le champ de la construction et de l’immobilier, un outil de protection contre l’erreur. Et donc contre l’apprentissage…