Comment nous avons cassé la boucle d’apprentissage qui fait vivre nos villes

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Publié le 17/12/25
Mis à jour le 17/12/25
3min de lecture
Comment nous avons cassé la boucle d’apprentissage qui fait vivre nos villes

Split, Croatie

    Ou pourquoi nos quartiers neufs sont-ils (presque) toujours des échec ?

    Il ne vous est jamais arrivé de vous demander :

     Ce bâtiment est presque neuf et il y a déjà ces coulures noires sur le crépi, mais comment-est-ce possible ? 

     Cela fait 5 ans que ces bâtiments sont sortis de terre, pourquoi ces locaux commerciaux restent-ils désespérément vides alors que la densité et la desserte sont là ? 

     On n’est qu’en avril, il fait 20 degrés dehors, comment ce bâtiment tout neuf peut-il se comporter comme une fournaise ? 

     On vient de mettre des dizaines de millions d’euros dans la rénovation des espaces publics autour de la gare, pourquoi n’y a-t-il quasiment personne qui s’attarde, qui flâne, qui en profite… ? 

    On répond le plus souvent :

    • erreur de conception, manque de coordination,
    • absence de prise en compte des usages, défaut d’exploitation,
    • la faute à l’architecte, qui n’en a fait qu’à sa tête,
    • mauvaise programmation, maîtrise d’ouvrage absente,
    • budget beaucoup trop serré, pour faire de la qualité il faut du temps et des moyens,
    • images de concours trompeuses…

    Pour y remédier :

    • On prends des AMO en plus, des consultants ceci et cela,
    • On imagine des normes plus sophistiquées,
    • On allonge les budgets en ponctionnant dans la caisse,
    • On se rassure en se taisant, on se voile la face.
    • Et on ne progresse pas.

    Mais pourquoi ?

    Comment des professions entières peuvent-elles autant se voiler la face, pendant des décennies ?

    Comment nos rues neuves peuvent-elles demeurer aussi stériles, encore et toujours ? Malgré les milliers que nous avons bâties ?

    La réponse est simple : nous attendons du projet ce que seul l’apprentissage peut prodiguer

    Nous confondons conception et apprentissage.

    La différence ?

    • Un projet repart de zéro à chaque fois.
    • L’apprentissage est une répétition humble, patiente, cumulative, qui progresse en corrigeant les erreurs, vérifie, stabilise et transmet.

    A la base de tout art, de toute science, de tout programme de recherche & développement, il y a une boucle d’apprentissage qui confronte nos intentions au réel à travers des tests.

    Nos villes ont toujours été de grands systèmes d’apprentissage distribués, opérant des milliers de tests sur le temps long.

    Ma thèse est la suivante :

    Le  test & learn  de nos villes a cessé de l’être le jour où nous avons cédé à ces 7  pêchés capitaux  :

    1. Se contenter de se conformer à une norme (≠ tester)
    2. Simuler sans mesurer (≠ tester)
    3. Croire réinventer (≠ tester)
    4. Chercher à standardiser (≠tester)
    5. Faire le bien (≠tester)
    6. Echapper aux conséquences de ses erreurs (≠ tester)
    7. Miser sur le bon sens collectif ou le génie individuel (≠ tester)
    8. Ces mécanismes produisent notre ignorance : je vous propose de les examiner un par un dans les jours qui viennent.


      Michael Waibel
      Vue de Keangnam Landmark Tower 72, Từ Liêm District, Hanoï, Viêtnam