Le NIMBY, une question de peurs, qui affecte moins les jeunes que les babyboomers
Cette théorie suggère que les oppositions aux nouveaux logements … seraient largement influencées par les associations symboliques
Crédit : Google Earth – Montfermeil en juillet 2020
En 2014, la loi ALUR supprime le COS et le minimum parcellaire afin de déverrouiller les PLU locaux qui bloquaient la densification des tissus urbains existants.
Les effets sont bien entendu surprenants et peu qualitatifs. De façon soudaine, de nouveaux droits à bâtir apparaissent et de nombreux opérateurs en profitent pour faire disparaître des pavillons et les remplacer par des immeubles. Des divisions anarchiques
apparaissent également, qui finissent de convaincre les élus et les urbanistes d’employer d’autres outils afin de geler, à nouveau, l’évolution de ce tissu.
Pourtant, dans une maison sur quatre, c’est une personne seule qui vit.
Pourtant, la crise sanitaire nous l’a rappelé, une très large majorité de Français aspirent à un jardin, et pour 37% d’entre eux, la taille idéale du jardin se situe en dessous de 250m2, quand les terrains des maisons actuelles font le plus souvent le double ou le triple de cette surface, y compris dans les 1ères couronnes de nos agglomérations.
En 2024, dans le cadre de l’opération BAMBA que Villes Vivantes conduit à Clermont-Ferrand, la taille moyenne des lots à bâtir que nous produisons sur mesure pour des particuliers souhaitant accéder à la propriété est de 170m2 !
Mais ce que nous nous autorisons à faire dans des opérations neuves, nous continuons à l’interdire dans l’existant. Par manque de culture et de savoir faire du renouvellement urbain, sans doute.
Nous avons détaillé comment Bordeaux Métropole utilisait l’interdiction de création de bandes d’accès et de servitude de passage, et réussissait ainsi à bloquer quelques 70’000 terrains en secteurs constructibles.
Voici une autre analyse, sur un autre territoire que nous avons examiné avec Iudo :
1/ sur un échantillon de 36’000 ha de tissus pavillonnaires franciliens représentant environ 38% des quartiers pavillonnaires de la région Ile-de-France,
2/ l’impact d’une seule règle : la règle de la bande A
, qui s’exprime comme suit :
–
Les constructions ne sont possibles que dans une bande de constructibilité d’une profondeur de 20 m comptés depuis l’alignement avec l’emprise publique
–
Au-delà de cette bande de 20 m, seules les annexes et les piscines et les terrasses non couvertes de plain-pied avec le terrain naturel sont autorisées.
3/ les communes situées à moins de 40 min de Paris en RER, métro ou train, qui bloquent de 90% à 100% de leur tissu pavillonnaire par cette seule règle.
Le résultat est colossal : cette seule règle gèle, dans les seules 40 communes qui en font un usage systématique, 1/4 de l’échantillon pavillonnaire analysé.
3’700 maisons
pourraient y être construites chaque année en densification douce, soit 50% de leur production de logement actuelle.
Ces maisons pourraient être construites en densification douce
, c’est-à-dire par cette filière de production du logement qui s’appuie sur les micro-projets portés par les habitants sur leur propre terrain. Le problème c’est que les obstacles qui se dressent chaque jour contre cette approche sont nombreux, et, paradoxalement, tout particulièrement, dans les endroits de France où la crise du logement est la plus prononcée.
La densification douce est aujourd’hui empêchée, et même complètement interdite dans nombre de règlements d’urbanisme des zones tendues du territoire. Et cela alors même que la construction de maisons à maîtrise d’ouvrage habitante représente, ces 40 dernières années, entre 30% et 50% de la production de logement en France. Et l’essentiel du logement familial abordable.
Il est impossible que nous résolvions cette crise du logement
si nous ne décidons pas de faire, à côté des grandes opérations d’urbanisme en densification forte, une place majeure à la production de maisons individuelles à l’unité, en densification douce.
Ce qui suppose de ne pas geler le pavillonnaire de nos grandes métropoles comme nous sommes en train de le faire à grande vitesse.
Les quartiers pavillonnaires sont-ils un gisement foncier pour construire de nouveaux logements ? Ou sont-ils plutôt un réservoir de biodiversité qu’il faut préserver et sanctuariser ? Ni l’un, ni l’autre. Car la ville n’est pas un jeu à somme nulle.
Nous avons produit, au cours des derniers mois, un discours urbanistique simpliste qui oppose — à l’encontre de la littérature scientifique — construction et végétalisation, densification et biodiversité, présence humaine et renforcement de la présence de la nature en ville.
Ce discours urbanistique simpliste est aujourd’hui allègrement instrumentalisé par les habitants les plus conservateurs — les tenants du NIMBY n’en demandaient pas tant ! — qui exercent aujourd’hui une pression anti-accueil, anti-construction et anti-densification considérable sur les élus locaux, qui leur cèdent souvent en établissant des règles d’urbanisme de plus en plus bloquantes.
Le tissu pavillonnaire est donc idéalisé, puis figé, par les mêmes qui l’ont honnis autrefois, et accusé de tous les maux.
Or, ni enfer, ni paradis, le pavillonnaire actuel est, tout simplement, perfectible.
Il n’est pas achevé, et n’en est qu’au début de sa vie. Sous occupé par l’homme comme par la faune et la flore, il lui manque :
– du bâti,
– des haies,
– des potagers,
– et des jardiniers supplémentaires.
Nos quartiers pavillonnaires seront demain plus frais, ombragés et vivriers, plus denses, mieux équipés et desservis, moins dépendants de l’automobile, plus métropolitains, et plus villageois.
C’est une question de semaines, de mois, de quelques années peut-être : les grands jardins actuels seront demain partagés, plantés et jardinés.
Et pourtant, certains décrivent cette évolution, sur les réseaux sociaux comme dans les réunions publiques d’urbanisme, comme l’enfer sur terre
. Ils se demandent pourquoi il faudrait encore construire.
Encore accueillir des gens.
Ils demandent : que le dernier arrivé ferme la porte.
C’est-à-dire : qu’ils aillent se loger ailleurs
. J’ai entendu un jour, dans une réunion publique en Ile-de-France, un ancien leur répondre :
S’il y a 30 ans je n’avais pas divisé mon terrain, si on ne l’avait pas viabilisé, toi, aujourd’hui, tu ne serais pas là, tu ne vivrais pas dans cette commune. Et maintenant que tu y es, tu veux interdire aux autres ce que nous t’avons permis ?
Pour que le périurbain de l’Île-de-France et des grandes métropoles françaises deviennent ce que la grande majorité des habitants voudrait qu’il devienne, pour que cette forme urbaine créée au XXe siècle fasse sa mue et soit apte à répondre aux aspirations de ce début de XXIe siècle — des maisons reconfigurées, rénovées, des jardins plus petits et jardinés, un tissu urbain mixte, bien desservi et équipé, offrant commerces et services de proximité, dans un cadre de vie à échelle humaine — il nous faut bien identifier les causes du gel
actuel de ces espaces qui constituent certainement l’enjeu majeur des 50 prochaines années en urbanisme.
La loi ALUR de 2014, qui a débloqué de façon soudaine les possibilités de construire, à laissé des traces. L’acceptabilité sociale de la densification s’en est retrouvée très affaiblie.
Plus récemment, c’est le renversement de la position de certains urbanistes, vis-à-vis des qualités réelles ou imaginées des quartiers pavillonnaires, qui a abouti à des discours simplistes opposant protection et renforcement de la nature en ville, et construction en densification.
En opposant construction et végétalisation, renforcement de la biodiversité et densification, nous avons servi la soupe à tous ceux qui sont, et qui étaient déjà, contre la densification et l’accueil de nouveaux habitants dans les quartiers déjà bâtis.
Plus largement, nous avons vu se former un corpus de thèses simplistes, issues des positions de certains urbanistes, immédiatement reprises puis instrumentalisées par des riverains NIMBY, puis par certains élus qui y ont vu un moyen facile de répondre favorablement aux aspirations anti-accueil d’une minorité agissante — et bruyante — de leur population.
Parmi ces positions, l’une d’elles est née pendant la crise sanitaire : celle de l’exode urbain et de la dé-métropolisation
… Pas pour soi, bien sûr, mais pour les autres.
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