Les toits végétalisés de petite dimension et de hauteur limitée sont plus résilients et utiles à la biodiversité en ville que les grands.
Outre leurs vertus isolantes et leur contribution à la lutte contre les îlots de chaleur urbain, les toits végétalisés permettent de créer des écosystèmes favorables à la conservation de la biodiversité en ville, et notamment en milieu urbain dense. Depuis quelques années, la recherche s’intéresse de très près à cette propriété et s’interroge, en particulier, sur les caractéristiques du bâti qui favorisent la richesse végétale et animale de ces milieux.
C’est le cas, notamment, des travaux du projet de recherche GROOVES1 (pour Green Roofs Verified Ecosystem Services) sur l’écologie des toitures végétalisées. Menés entre 2017 et 2019 par l’Institut Paris Région et l’Agence Régionale de la Biodiversité d’Île-de-France sous la conduite de Marc Barra et Hemminki Johan, cette campagne d‘inventaires taxonomiques et de mesures des services écosystémiques (rétention d’eau, rafraîchissement, pollinisation) a porté sur un échantillon de 36 toitures végétalisées en milieu urbain dense, au cœur de la métropole du Grand Paris.
Les toitures étudiées présentent différents profils de végétation — hauteur du substrat et présence de plantations — mais aussi une grande diversité de situation, notamment en termes de surface (de 91 à 3’000 m²) et de hauteur (de 2.71 à 30 mètres). Au total, les relevés exhaustifs de la flore de ces 36 toits révèlent la présence de plus de 400 espèces végétales dont une nette majorité (70%) d’espèces spontanées (c’est-à-dire véhiculées par le vent ou la faune, par opposition aux espèces plantées), dont un certain nombre sont rares et menacées. Parallèlement, les auteurs ont également identifié 611 espèces d’invertébrés avec des diversités très variables allant de 20 à 107 taxons par toit.
S’agissant de l’impact du bâti, les conclusions de l’étude peuvent être résumés en 3 points principaux :
La profondeur du substrat est le facteur qui explique le mieux la richesse floristique comme celle des pollinisateurs mais, au-delà de 25 cm de profondeur, la richesse de la flore cesse d’augmenter tandis que la diversité en pollinisateurs continue à croître. Par ailleurs, cette profondeur est aussi le niveau théorique à partir duquel une toiture végétalisée voit sa capacité de rétention des eaux de pluie augmenter de façon importante (l’application du modèle FAVEUR du Cerema a permit de confirmer que les toits étudiés étaient en mesure d’absorber entre 200 et 500 mm de précipitation par an) ce qui amène les auteurs à recommander une hauteur de substrat de l’ordre de 30 cm.
La hauteur du bâtiment est corrélée positivement à la richesse en plantes spontanées, en syrphes et en abeilles sauvages mais seulement jusqu’à une hauteur d’environ 10 mètres, soit l’équivalent de 3 étages. Au-delà, la richesse de la flore cesse d’augmenter et celle des pollinisateurs diminue. Ce résultat fait écho à une étude2, publiée en 2016 sur la nidification des abeilles sauvages et des guêpes sur 29 toitures végétalisées de Toronto, qui concluait que l’intérêt de la toiture pour ces taxons diminue avec la hauteur, avec un seuil limite évalué à 4 étages d’habitation au maximum.
Enfin, et de façon plus inattendue, la surface des toits végétalisés est négativement corrélée à leur richesse en plantes spontanées (la présence de plantations étant, par définition, due à l’action humaine) : selon les auteurs, cette végétation spontanée pourrait, sur les toits de petite surface, bénéficier de la protection des éléments bâtis ou naturels avoisinants et seraient ainsi moins exposés à la chaleur, à la sécheresse et au vent. Ce résultat est remarquable parce qu’il vient, comme dans le cas des jardins urbains, en contradiction avec la species–area relationship (SAR) qui lie l’aire d’un écosystème à sa richesse.
En résumé, les résultats obtenus confirment le rôle crucial que peuvent jouer les toîts végétalisés en matière de conservation de la biodiversité en ville et montrent que les gabarits bâtis tels que ceux qui peuvent être produits en densification douce — hauteurs et surfaces limités, constructions neuves capables d’accueillir un substrat d’environ 30 cm de profondeur sur leur toit — sont adaptés à des toits végétalisés plus résilients et utiles à la biodiversité en ville.
Notes :