J’ai eu le plaisir d’intervenir dans l’émission Ainsi va la ville sur la radio Cause Commune à l’invitation de Paul Citron et Dominique Alba, sur le thème Produire la ville, produire en ville
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En France, le mot densité
reste souvent associé à une perte : perte d’espace, de calme, de nature, de qualité de vie. Pourtant, c’est en creux une autre perte qui se joue : celle des services du quotidien, de la solidarité de voisinage, d’une identité collective et diverse, des équipements mutualisés et coûts partagés.
Cette perspective s’appuie sur trois convictions structurantes :
1. Le logement est un flux, pas un stock
Alors que certains se perdent dans le débat de savoir si nous avons suffisamment de logements
En matière de logement, la géographie dicte les besoins
en France, je me dis que nous n’avons toujours pas compris que le logement n’est pas un produit de consommation comme un autre. Le besoin en logement ne peut s’évaluer en m2 ou en unités disponibles.
Outre l’enjeu de sa localisation
Les besoins en logements sont des flux et ces flux ont une géographie
, dont la pertinence évolue selon la structuration de nos systèmes productifs (où sont les bassins d’emplois
Comprendre les métropoles par l’accessibilité aux emplois
?) et qui est propre à chacun selon ses attaches et ses besoins, le logement est un objet qui évolue sans cesse et nécessite une intervention continue pour s’adapter aux évolutions de la vie
La densification douce à grande échelle : comment aider à faire éclore des options de vie ?
, aux parcours résidentiels et aux normes environnementales
Politique de rénovation mono-orientée vs service d’accompagnement sur-mesure
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2. La densité est une condition de viabilité des services publics et du commerce de proximité
De nombreuses villes n’ont plus la densité nécessaire pour maintenir une boulangerie, un médecin ou une école. Recréer cette masse critique
Dense densité
est un enjeu de justice territoriale autant que de transition écologique. Cela suppose de réinvestir les tissus pavillonnaires
BUNTI, BIMBY : réussir la transformation de nos quartiers pavillonnaires en villages
et de les adapter plutôt que les abandonner. Continuer à promettre ou à investir l’argent public dans des équipements ou pour soutenir des acteurs économiques qui ne parviendront pas à pérenniser leur modèle sur le long terme, c’est prendre le risque de décevoir les habitants.
D’ailleurs quand Nicolas fonde le premier Make ICI pour créer un espace partagé pour les créateurs et artisans de Montreuil, nous retrouvons bien cette idée :
- se regrouper démultiplie les opportunités et permet une mutualisation ;
- nous avons besoin de lieux de production à proximité de là où nous habitons, de rapprocher emplois et logements.
3. L’habitant doit redevenir un acteur de la fabrique urbaine
On a vu se diffuser la concertation mais ce n’est pas suffisant. Les habitants doivent devenir des acteurs opérationnels de leur cadre bâti. Accompagner des projets d’autopromotion
Faut-il transformer l’habitant propriétaire d’un pavillon en micro-promoteur ?
comme nous le faisons avec Villes Vivantes, c’est aussi faire reculer les logiques de repli (NIMBY
Not In My BackYard (NIMBY)
). Lorsqu’on construit pour soi ou ses voisins, on fait les choses très bien, surtout si on est bien accompagné. Ce retour à une maîtrise d’ouvrage habitante
9 millions de jardins à partager dans les communes de plus de 10000 habitants et leurs communes limitrophes
est à la fois une nécessité économique et une source de réconciliation avec l’idée de transformation urbaine.
Penser la ville dense, ce n’est pas empiler des m2. C’est retrouver de la complexité urbaine, du lien social, l’usage partagé et de la beauté
La densité comme une grande œuvre d’art collective
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