Dans quelle unité se mesurent les politiques publiques d’efficacité énergétique dans le logement ?

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3 min de lecture  |  Publié le 13/02/2023 sur | Mis à jour le 21/06/23

Esther Duflo éparpille la rénovation thermique façon puzzle

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Irène Inchauspé | lopinion.fr

Si l’on veut apprécier les effets d’une action, il est nécessaire de mettre en place des indicateurs pour en mesurer les résultats.

Des unités de compte qui ne sont pas pleinement satisfaisantes

En quoi consisteraient ces indicateurs dans le cas de la rénovation énergétique ?

  • L’argent dépensé ?
  • Le nombre de logements rénovés ?
  • La comparaison en KWh ou en tonnes de CO² entre une consommation et des émissions théoriques avant et après travaux ?
  • Le montant de travaux déclenchés ?

Ces unités de compte ont trois points communs :

  1. Elles reviennent presque exclusivement dans les publications et les bilans des acteurs du secteur ;
  2. Elles ne rendent compte ni du bénéfice ressenti par les habitants, ni des évolutions réelles de la facture énergétique des habitants, ni des émissions réelles des habitants.
  3. Elles ne permettent pas d’apprécier le niveau de levier de l’argent public.

Des coûts d’investissement largement supérieurs aux économies d’énergie réelles

Cités par le journal l’Opinion dans son édition d’hier, les résultats d’une étude de Michael Greenstone sur les programmes d’efficacité énergétique aux États-Unis « suggèrent que les coûts d’investissement initiaux sont environ deux fois plus élevés que les économies d’énergie réelles » avec « beaucoup d’argent dépensé pour des gains faibles sur peu d’agents économiques ».

La journaliste Irene Inchauspe s’appuie également sur une étude de l’association fédérale GdW Bundesverband Wohnungswirtschaft des sociétés allemandes de logement et d’immobilier pour expliquer ce paradoxe par « l’effet rebond, à savoir que la meilleure isolation tend à se traduire par une augmentation du confort et de la température du logement ».

L’étude allemande a ainsi montré que malgré les 340 Milliards d’Euros investis dans la rénovation énergétique depuis 2010, les consommations associées aux logements étaient restées stables sur la période.

Reconstruire les dispositifs et les métiers liés à la rénovation énergétique

La question des leviers renvoie à celle des métiers : dans sa leçon du 24 novembre dernier au Collège de France, la prix Nobel d’économie Esther Duflo a rappelé que « Dès lors qu’il est question de mettre en œuvre une politique sur le terrain, les questions et les détails pratiques se multiplient et ce sont ces détails qui peuvent faire la différence entre un succès et un échec » et insisté sur le « besoin d’évaluation et d’expérimentation », évoquant « Une confiance immodérée dans la technologie et dans le marché qui se trouve, souvent, sur le terrain, baignée de douches froides ». En matière de consommations énergétiques, elle rappelle également le rôle majeur des usages.

Des raisons pour jeter aux orties la rénovation thermique ? Certainement pas. Elle apporte du confort à des centaines de milliers de ménages. Des raisons pour reconstruire ces dispositifs et ces métiers ? Et si c’était cela le bon “effet rebond”?