L’immense défi de la rénovation énergétique : quel effet de levier ?

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3 min de lecture.  |  Publié le 03/11/2022 sur | Mis à jour le 24/05/23

Le Gouvernement retoque des amendements proposant 12 Mds€ pour la rénovation

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F.L., avec AFP | batiactu.com

Voici une série d’articles sur un sujet – la rénovation du bâti ancien – qui fait consensus dans son approche superficielle mais qui mérite d’être approfondi.

Deux amendements en faveur de la rénovation énergétique retoqués par le gouvernement

La passe d’armes autour des 2 amendements de l’opposition pour abonder de 12 Mds€ les financements publics en direction de la rénovation est un bon point de départ :

« Deux amendements, un écologiste et l’autre socialiste, soutenus par le Rassemblement National, prévoyaient d’apporter 6,85 milliards et 5 milliards de crédits supplémentaires, comme nous en informe l’Agence France presse (AFP). Des textes qui n’ont pas été maintenus dans la version finale du Budget, sur lequel le gouvernement a une nouvelle fois engagé sa responsabilité en dégainant le 49.3, ce 2 novembre 2022 »

« La députée Europe Ecologie les Verts Eva Sas avait demandé d’aller “beaucoup plus loin” en matière de “rénovation globale” des logements. “Vous n’êtes pas à la hauteur”, avait-elle lancé au gouvernement. Celui-ci avait répondu par la voix de sa ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher : “Aidez-nous plutôt à construire des filières de formation professionnelle” dans la rénovation thermique, car les “carnets de commandes” des entreprises spécialisées sont “remplis”. Autrement dit, le Gouvernement considère qu’augmenter “artificiellement” le total des financements ne déclencherait pas automatiquement un déploiement des rénovations énergétiques efficaces, notamment parce que la filière ne serait pas dimensionnée pour cela. »

D’où viennent ces divergences politiques ?

Les divergences viennent d’une différence d’appréciation :

  1. des difficultés rencontrées sur le terrain : manque-t-on d’aides financières ou plutôt de professionnels pour accompagner et opérer les rénovations ?
  2. de la nature des objectifs : performances énergétiques au sens strict ou reconfiguration plus globale des bâtiments pour les adapter aux besoins actuels ?

La thèse que je m’apprête à défendre dans les deux articles de la série est la suivante :

  1. Considérons non pas le budget public affecté à la rénovation, mais le budget global (fonds publics et fonds apportés par les porteurs de projet) : l’objectif n’est-il pas que l’effort global soit important ?
  2. Ceci suppose d’évaluer l’effet de levier de l’investissement public selon le type de dispositif : pour 1€ public investi, quel montant sera dépensé par les porteurs de projet ?
  3. Les expériences menées par Villes Vivantes en soutien aux propriétaires privés pour la rénovation (BUNTI et OPAH) nous montrent que plus les objectifs visés sont larges (performances énergétiques, luminosité, confort d’usage, apport d’espaces extérieurs privatifs, accès…), plus l’effet de levier de l’investissement public est important.
  4. Elles montrent également que plus l’action est large plus les compétences professionnelles nécessaires pour opérer ces projets sont pointues, systémiques (non sectorielles) et difficiles à constituer : de nouveaux métiers sont à inventer, en même temps que de nouveaux dispositifs d’action sur le parc bâti existant.

Solutions standardisées versus conception de nouveaux métiers

Nous nous retrouvons ainsi face un dilemme :

  • Faire avec les solutions simples, rapides, standardisées, nécessitant peu de compétences techniques mais à faible effet de levier (“classiquement” 1€ à 2€ privé dépensés pour 1€ public investi), au risque d’aller trop vite, sans conception, avec potentiellement une dénaturation du patrimoine bâti.
  • Concevoir de nouveaux métiers et dispositifs d’intervention sur le parc bâti existant, dont l’effet de levier est plus important (10€ privés déclenchés pour 1€ public investi dans les premières opérations BUNTI par exemple), une voie prometteuse mais qui nécessite encore du temps et des efforts de recherche et développement et du temps de formation aux nouveaux métiers pour constituer une filière de la reconfiguration globale du bâti existant.