NIMBY, PLUs et hausse des inégalités
La hausse des inégalités patrimoniales est essentiellement liée aux restrictions artificielles de l’offre de logement.
Poursuivons cette série en proposant quelques réponses aux arguments avancés contre les grandes villes denses par Philippe Bihouix lors de sa conférence intitulée “En finir avec l’espoir fou des métropoles vertes” donnée en mai 2022 à la Société française des architectes.
Pour reprendre la citation de Paul Valéry : “Il y a pire que le faux, c’est le faux mélangé à du vrai ».
Il me semble ainsi nécessaire d’amender quelques points dans ce raisonnement, si nous voulons par ailleurs œuvrer ensemble à stopper l’étalement urbain afin d’aménager, avec leurs habitants, les territoires post carbone de demain : ceux des grandes villes comme ceux des villes moyennes, des petites villes et des territoires ruraux, ceux en croissance, comme ceux en décroissance !
La courbe de Newman et Kenworthy qui fait un lien entre la densité des villes et la consommation d’énergie par habitants pour les transports (moins les villes sont denses, plus leurs habitants consomment de l’énergie pour se déplacer) peut être contestée, selon Philippe Bihouix, pour plusieurs raisons.
Philippe Bihouix avance tout d’abord que les plus faibles déplacements des habitants des villes denses sont compensés par le bilan carbone plus élevé des constructions des villes denses, en raison de la plus grande hauteur des bâtiments : plus de fondations, des fondations plus profondes, des éléments structurels plus importants, plus d’ascenseurs, de parking en structure, plus consommateurs d’énergie.
Tout ceci est vrai, toutefois toutes les grandes villes denses ne sont pas construites en hauteur. Tokyo et Jakarta, qui comptent parmi les plus grandes mégapoles du monde, sont par exemple essentiellement constituées d’un tissu urbain très dense et bas, fait de maisons.
Les grandes villes denses ne sont donc pas synonymes de hauteur.
Philippe Bihouix observe qu’en même temps que les grandes villes grandissent et se densifient, elles s’étalent, et que l’un ne va pas sans l’autre.
A l’heure du ZAN, plus rien n’empêche les tissus urbains existants de se densifier, et les villes de grandir, sans que des possibilités d’extension urbaine soient ouvertes. L’histoire des villes et des grandes villes du monde regorge d’exemples de territoires urbains qui s’arrêtent sur une limite.
Pour la suite des débat et des échanges, je vous propose donc de partir du principe que les villes peuvent grandir :
Philippe Bihouix cite un phénomène repéré par des sociologues : l’habitant des coeurs urbains denses (“le parisien du 3ème arrondissement”) aurait plus besoin de se mettre au vert le week-end (“en Normandie”) que l’habitant du périurbain, lequel consomme plus d’énergie la semaine pour se rendre à son travail, certes, mais à qui il suffit de se faire un barbecue dans son jardin le we pour satisfaire ses besoins d’aération…
Et de conclure : “évidemment ce sont des études qualitatives … mais l’habitant du tissu urbain dense n’est pas si écolo que ça, il est même moins écolo que l’habitant du pavillonnaire…”
Je vous propose une autre interprétation : le fait que les habitants des coeurs métropolitains soient moins “écolos” que les autres n’est pas lié au fait qu’ils habitent les parties denses des agglomération (ce qui réduit leur bilan carbone liée aux mobilités du quotidien) mais plus particulièrement au fait qu’ils sont, en France, plus riches, et que cette richesse leur permet de consommer plus, en prenant l’avion le week-end par exemple.
Pour un urbaniste, le fait que les coeurs urbains des grandes agglomérations soient réservés – par l’intermède des prix prohibitifs de l’immobilier – aux populations les plus aisées, n’est pas une loi.
Et c’est d’ailleurs tout le sujet, et l’intérêt, d’ouvrir et de faire grandir les coeurs denses des grandes agglomérations, que d’offrir à un pan plus large de la population qui pourrait le souhaiter, les services et les opportunités qu’apporte la ville dense.
En même temps que nous travaillons à rendre nos villes plus “vertes”, nous pourrions aussi répondre à la dimension quantitative des besoins de vivre en ville dense (proche des opportunités d’emploi, des commerces, écoles, activités, etc.) afin de ne plus réserver aux populations aisées cette possibilité de pouvoir se déplacer chaque jour à pied, en vélo ou en transport en commun.
Je rejoins cet argument avancé par Philippe Bihouix.
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