Embellir la ville pour rendre la densification désirable

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6 min de lecture.  |  Publié le 13/05/2022 sur | Mis à jour le 02/06/23

Le pari de la densification ne peut s’affranchir de la question de la beauté de l’urbanisme (David Miet, Villes vivantes)

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Arnaud Paillard | aefinfo.fr

À l’occasion de l’édition 2022 du MIPIM à Cannes, j’ai pu exprimer ma vision de la densification douce dans le média AEF Info.

Parmi vos projets, l’exemple de Périgueux ressort souvent comme un succès de densification douce menée par votre agence. Pourriez-vous revenir sur celui-ci ?

Ce qu’il faut comprendre, d’abord, c’est que notre méthode a particulièrement bien fonctionné, jusqu’ici, dans les villes moyennes. Une tendance assez générale au sein agglomérations de taille moyenne, c’est le fait que leurs villes centre perdent des habitants, car elles n’ont pas la puissance d’attraction du cœur d’une métropole. Le coût de vivre à l’extérieur de la ville centre n’est pas très élevé, car il y a peu de circulation, tandis que l’intensité urbaine, qui peut donner envie à des habitants d’habiter en ville, n’est pas suffisamment attractive pour contrebalancer l’appel de la périphérie. Les zones rurales entourant ces villes moyennes sont, elles, très attrayantes, car elles permettent d’habiter de vastes maisons tout en restant à une distance raisonnable de la polarité urbaine.

La conséquence, c’est que la plupart des agglomérations de taille moyenne ont des difficultés à attirer les familles et les jeunes dans leur cœur, car il est plus difficile d’y produire des logements, notamment des maisons. Or, avec le desserrement des ménages, à nombre de logements égal, une ville perd des habitants. D’où la nécessité, pour ces villes centres, de produire du logement. Le problème d’une ville moyenne comme Périgueux, c’est qu’elle n’a plus de foncier disponible pour construire. Sa seule possibilité est de construire en renouvellement urbain, sur des terrains déjà construits, mais ce sont des opérations qui coûtent cher et qui ont besoin de promoteurs pour sortir du logement collectif. Dans les zones peu tendues, comme Périgueux, où les logements se négocient entre 1’600 € et 1’900 € le m2 dans l’ancien, les prix sont toutefois trop faibles pour attirer des promoteurs, qui ont du mal à commercialiser des opérations en deçà des 2’500 € du m2. Ils n’y sont donc pas compétitifs. Le modèle de la ville dense et de l’aménagement en ZAC est un modèle qui coûte trop cher pour la plupart des villes moyennes lorsqu’elles ne sont pas situées en secteur littoral ou frontalier.

Que proposez-vous pour produire du logement dans ces secteurs détendus ?

Ce que nous proposons, c’est un modèle d’autopromotion en diffus. Construire une deuxième maison sur un grand terrain, ce n’est pas si difficile. Mais la tâche est beaucoup plus compliquée dès lors que les terrains sont contraints, par exemple, lorsque le tissu urbain, même pavillonnaire, est marqué par une forme de densité relative (même s’il est moins dense que celui d’une métropole par exemple). Il faut alors accompagner les propriétaires et leurs proches qui souhaitent faire de la division parcellaire pour construire, pour qu’ils respectent les règles du PLU, que le projet soit accepté par le voisinage, l’architecte des bâtiments de France, etc.

Tout ceci implique une coordination entre maîtrise d’œuvre, maîtrise d’ouvrage et services instructeurs. Pour être clair : nous n’achetons pas les terrains, nous ne sommes pas maîtres d’ouvrage des constructions ; ce sont les habitants qui font appel à des maîtres d’œuvre pour bâtir. Tout ce que nous faisons, c’est générer l’idée de la densification douce et accompagner les projets dans leur dimension architecturale, sociale et réglementaire. Je dis sociale, car la densification douce est un modèle qu’on ne peut pas imposer : on est obligé de convaincre les propriétaires du bien-fondé de la démarche et de leur propre intérêt pour y parvenir, en leur montrant les options qui s’offrent à eux et en les aidant à en discuter avec les membres de leur famille, leur banque, leurs voisins, etc.

Combien de logements ont été produits à Périgueux de cette manière ?

Nous avons produit, sur les cinq ans qu’a duré la mission, 250 logements. Nous avons été missionnés par la ville pour accompagner cette production, de la prise de contact avec les propriétaires jusqu’au chantier. Nous étions souvent sur des petits terrains, où dégager une constructibilité n’était pas aisé. C’est pour cela que je dis que notre intervention est chirurgicale, avec un très gros travail sur la volumétrie et la réglementation pour s’assurer que le projet est faisable, viable et même séduisant. L’avantage, par rapport au modèle classique d’aménagement de la ville en ZAC ou par rapport au lotissement, c’est que nos projets d’autopromotion sont beaucoup plus personnalisables par les habitants et qu’ils se branchent sur des voiries et réseaux existants.

Vous êtes intervenu à l’édition 2022 du MIPIM, quel était le sens de votre présence ?

J’ai été invité à participer à une table ronde sur les solutions à apporter à la crise du logement. Le message que je voulais faire passer, c’était celui du potentiel de constructibilité dans et autour des villes moyennes et grandes : selon nos calculs, on compte 9 millions de maisons individuelles situées dans les communes de plus de 10’000 habitants et leurs communes limitrophes, qui peuvent être construites sur des terrains qu’il serait possible de densifier par notre méthode. C’est considérable.

Est-ce que votre modèle est transposable aux métropoles ?

Dans les métropoles, les élus sont beaucoup plus rétifs à la densification, qu’ils n’assument pas. Le potentiel dans les zones pavillonnaires des métropoles est immense, mais il est très délicat à libérer. Je dirais que le modèle du BIMBY, tel que nous le pratiquons aujourd’hui en partenariat avec la collectivité, ne fonctionne que là où le marché n’est pas trop tendu car nous prenons une place laissée vacante par les promoteurs et que l’acceptabilité sociale de la densification y est encore positive.

Comment parvenez-vous à convaincre du bien-fondé de la densification ?

La densification, même dans les zones pavillonnaires, n’a pas la cote. Nous assistons à un serrage de vis réglementaire dans la plupart des grandes agglomérations, malgré la fin du coefficient d’occupation des sols introduite par la loi Alur, dont le but était justement de rendre possible cette densification douce. Pour convaincre, je dirais que ça demande un gros travail sur la forme urbaine. Quand nous arrivons à convaincre les gens de céder une partie de leur parcelle pour faire du logement, c’est que nous leur avons montré que ce n’est pas synonyme de bétonisation à outrance, mais que leur cadre de vie peut être plus beau avec la densification que sans la densification. Selon moi, le pari de la densification ne peut s’affranchir de la question de la beauté, perçue par toute la population, de l’architecture et de l’urbanisme que nous produisons.

La loi Climat et résilience a introduit l’objectif de zéro artificialisation nette à l’horizon 2050, quel est l’impact de cette trajectoire sur votre activité ?

Les décrets d’application de cette loi ne sont pas encore connus. Il y a un risque, en l’état, à ce que la loi soit focalisée sur l’imperméabilisation des sols en lieu et place de l’étalement urbain. Le critère de l’artificialisation, s’il est regardé à l’échelle parcellaire, favorise en effet les formes urbaines qui s’élèvent en hauteur, et qui nécessitent souvent l’intervention d’un promoteur, et pénalise à l’inverse la densification douce car, de fait, nous imperméabilisons quand nous construisons une nouvelle maison sur une parcelle existante, alors même que nous le faisons dans un tissu urbain constitué et déjà desservi par les réseaux. J’aurais apprécié que la loi s’intéresse de façon plus globale à la notion d’étalement urbain, qui est à mon avis plus complète que la seule artificialisation des sols car elle s’intéresse à la forme de nos villes. Le risque, avec cette nouvelle règle, est de se concentrer sur la parcelle au détriment de l’organisation de nos agglomérations. Mais les jeux ne sont pas faits. À nous de participer au débat pour faire en sorte que le ZAN soit un outil vertueux.