Le lierre protège nos bâtiments de la chaleur en été mais peut-il aussi améliorer leurs performances thermiques en hivers ?
Les plantes grimpantes comme le lierre ou la vigne vierge, par effet d’ombrage et par évapotranspiration, s’avèrent aussi — sinon plus — performantes que la végétation au sol et les arbres en matière de rafraîchissement de l’atmosphère des villes (i.e. lutte contre les îlots de chaleur urbains) et d’isolation de nos bâtiments en période de forte chaleur. Ces résultats, déjà relayés ici, font aujourd’hui l’objet d’un large consensus, relayé notamment par le GIEC1. Symétriquement, on sait que les toits verts remplissent des fonctions similaires en contribuant à l’isolation de nos toits en été comme en hiver.
Mais les plantes grimpantes persistantes (i.e. comme le lierre, le feuillage de la vigne vierge étant caduc) peuvent-elles également jouer un rôle isolant en hiver ? Deux articles de recherche publiés ces dernières années semblent confirmer que c’est bien le cas.
Le premier2, publié en 2014, analyse l’efficacité d’une couche de lierre (Hedera helix) recouvrant un mur à partir de relevé de température interne et externe, sur plus d’un mois en période hivernale, sur des murs de brique exposés plein Nord à Manchester (Royaume Uni). Ses principales conclusions sont les suivantes :
- La couverture de lierre augmente la température moyenne des parois extérieures de 0.5°C et permet de réduire les fluctuations de température ;
- Les murs couverts de lierre étaient en moyenne 1.4°C plus chauds la nuit mais 1.7°C plus frais en milieu de journée ;
- En conséquence, les pertes d’énergie calculées ont été réduites de 8%, le revêtement était plus efficace par temps froid ;
En revanche, au-delà de températures extérieures de 12.2°C, le revêtement de lierre, en protégeant les murs du réchauffement dû au rayonnement à ondes courtes, tend à augmenter la perte d’énergie.
Ces résultats suggèrent que les murs végétaux à feuilles persistantes peuvent réduire les coûts de chauffage, en particulier lorsqu’ils sont placés au nord des bâtiments, tandis que du côté sud, les plantes grimpantes à feuilles caduques pourraient être plus efficaces.
Une seconde étude3, publiée en 2023, s’intéresse spécifiquement aux échanges thermiques de deux murs (l’un végétalisé, l’autre nu) pendant les périodes nocturnes hivernales dans un climat méditerranéen. Les mesures effectuées permettent d’observer que :
- La végétation a permis de maintenir la vitesse de l’air à proximité du mur en dessous de 0,9 m.s−1 ;
- La surface extérieure du mur couvert et l’air à proximité ont enregistré un réchauffement allant respectivement jusqu’à 3.4°C et 3.3°C ;
- Les deux murs perdent de l’énergie radiative et convective, mais pour le mur couvert, ces pertes étaient inférieures de 60% et 38% respectivement.
Les auteurs concluent que la couverture végétale des murs agit comme une barrière thermique et éolienne, et peuvent améliorer les performances de l’enveloppe des bâtiments en réduisant les pertes de chaleur globales de 57%.
Sur la base de ces résultats, les murs végétaux à feuilles persistantes offriraient donc bien une isolation performante en hiver, permettant ainsi d’améliorer notre confort thermique tout en réduisant notre dépense énergétique de chauffage. Néanmoins, des feuillages caducs (comme la vigne vierge) peuvent être préférables dans certains cas, notamment dans les régions au climat doux et pour les bâtiments essentiellement fréquentés en journée (i.e. bureaux).
Notes :
- Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), 6e rapport d’évaluation (AR6), chapitre 8 (Urban systems and other settlements). Voir, en particulier, la sections 8.4.4 (Urban Green and Blue Infrastructure).
- Bolton et al., Effectiveness of an ivy covering at insulating a building against the cold in Manchester, U.K: A preliminary investigation, Building and Environment, Volume 80, October 2014, Pages 32-35.
https://doi.org/10.1016/j.buildenv.2014.05.020
- Convertino et al., Natural passive system for reducing winter night-time energy loss in buildings, Sustainable and Resilient Infrastructure, Volume 9, 2024 – Issue 1.
https://doi.org/10.1080/23789689.2023.2219182