Avoir un jardin ne devrait pas être réservé aux plus aisés

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4 min de lecture  |  Publié le 29/08/2024 sur | Mis à jour le 29/08/24

Alors que certains semblent sonner le glas de la maison individuelle, et qu’elle est effectivement en passe de devenir un bien de luxe réservé aux classes les plus aisées, une étude* réalisée entre octobre 2016 et octobre 2017 auprès de 370 personnes de la région de Minneapolis-St. Paul aux États-Unis, s’intéresse au bien-être émotionnel (emotional well-being, EWB) associé au jardinage urbain, en particulier le jardinage à domicile. Les auteurs comparent le jardinage avec 4 autres activités de loisirs — le vélo, la marche, les sorties au restaurant et les autres loisirs récréatifs. Sans grande surprise, le jardinage est une activité très fortement liée au bien-être émotionnel des répondants qui l’ont listé parmi leurs activités — avec un temps moyen estimé à un peu moins de 2 heures par semaine — avec un score particulièrement élevé en ce qui concerne le sens, c’est-à-dire le sentiment de faire quelque chose d’utile, notamment pour l’environnement.

En résumé, les auteurs mettent en évidence quatre points clés :

  1. Le jardinage domestique est associé à un EWB élevé, similaire au vélo et à la marche.
  2. Le jardinage potager est associé à un EWB plus élevé que le jardinage ornemental.
  3. Le fait de jardiner seul à la maison n’est pas différent du jardinage en compagnie.
  4. Le jardinage domestique est la seule activité, dans cette étude, où les femmes et les participants à faible revenu déclarent un EWB plus élevé que les hommes et les participants à revenu moyen/élevé respectivement.

Par conséquent, concluent les auteurs, le jardinage potager familial doit être considéré parmi d’autres investissements, comme les infrastructures cyclables et piétonnes, en faveur de l’habitabilité des villes.

Un aspect original de cette étude est qu’elle nous propose une analyse des résultats en fonction d’un certain nombre de paramètres sociologiques — en particulier le genre des personnes interrogées mais aussi, leur niveau de revenu. S’agissant du genre, il apparait que le jardinage contribue significativement plus au bien être des participantes qu’à celui des participants. Du point de vue des revenus, l’étude conclue que les répondants aux revenus modestes ont déclaré un effet net moyen significativement plus élevé que les répondants à revenu moyen et élevé.

Autrement dit : le jardinage est une activité qui contribue significativement à notre bien-être émotionnel et cet effet est d’autant plus important qu’on est une femme et que nos revenus sont modestes. Ces résultats, notent les auteurs, soulèvent des questions d’équité intéressantes sur les activités dans lesquelles investir pour créer des villes plus vivables et plus équitables, car nos résultats indiquent que le jardinage domestique était la seule activité qui bénéficiait de manière disproportionnée aux femmes et aux participants à faible revenu.

Ces aspects particuliers ne sont pas sans évoquer l’époque, finalement pas si lointaine, où le logement dit populaire était massivement constitué de maisons de ville individuelles, généralement mitoyennes et dotées de petit jardins à l’arrière. Des corons du Nord aux échoppes Bordelaises, c’est grâce à ce type de logements que des générations de Français aux revenus limités ont trouvé à se loger, ont accédé à la propriété et découvert (ou retrouvé) le plaisir de jardiner. Certes, le ZAN apporte une perspective contrainte pour la création de nouvelles maisons individuelles mais des solutions existent pour continuer à faire de la maison avec jardin une option abordable pour les classes les plus modestes.

Parmi elles, le BIMBY (Build in My BackYard) qui consiste à construire une maison supplémentaire sur une parcelle comprenant déjà une habitation. Cette pratique de densification douce, conduite par les habitants, permet, à consommation foncière constante, de démultiplier les maisons, les rendant par la même plus abordables, et les jardins. Le BIMBY permet donc, sans artificialisation supplémentaire, à la fois plus de maisons — moins chères — et plus de petits jardins donc de jardiniers.

Au contraire de ce que l’on pourrait penser, le ZAN n’est donc pas forcément la fin de la maison individuelle. Alors que le lien est clair entre bien être des habitants et jardinage et qu’il est urgent de trouver des solutions abordables et de qualité pour répondre à la crise du logement, ne devrions-nous pas activer, au plus vite, toutes les solutions qui sont sur la table ?

(*) Graham Ambrose, Kirti Das, Yingling Fan, Anu Ramaswami, Is gardening associated with greater happiness of urban residents? A multi-activity, dynamic assessment in the Twin-Cities region, USA, Landscape and Urban Planning, Volume 198, 2020.