L’un réduit le réel à son modèle, l’autre élargit son modèle au gré du réel.
Le concept d’optionalité
L’optionalité, cette propriété qui nous permet de faire de l’imprévu un atout
développé par Nassim Nicholas Taleb est le suivant : garder les options ouvertes, est peu coûteux, sans risque, mais peut s’avérer décisif, un peu plus tard …
La billetterie de la SNCF a bien compris ce principe d’optionalité — et la valeur que nous lui accordons — avec cette nouvelle forme de tarification variable mise en place (le yield management
dans le jargon) : un billet prem’s
réservé longtemps à l’avance vous coûtera très peu, mais il ne peut pas être échangé : votre billet ne vous coûte pas cher — mais vous lui êtes pieds et mains liés.
A l’inverse, celui qui veut garder ses options ouvertes payera le billet au prix fort : pour garder sa liberté, il faut désormais payer.
C’est ce que Taleb appelle la touristification
de notre société, un concept dont il se sert pour illustrer comment notre monde — notre urbanisme en particulier — évolue vers la fragilité alors que nous croyons travailler, en l’optimisant (sobriété), à sa résilience.
Taleb a ainsi construit une dialectique entre deux archétypes existentiels :
- le
touriste
, symbole de la prévisibilité naïve, - et le
flâneur
, incarnation de l’intelligence de l’aléatoire.
Voici leurs antagonismes, en quelques citations brutes (je vous laisse les transposer à notre art de bâtir les villes… c’est saisissant !)
1. L’obsession du plan et la peur du désordre
Le touriste croit que la vie doit être lue comme un manuel d’instructions. Il suit un itinéraire, coche des cases, fuit les détours. Son voyage est une checklist. Mais cette quête de sécurité n’est qu’une vulnérabilité déguisée.
(Antifragile)
La rationalité du touriste est une pathologie. Il confond la carte et le territoire, le menu et le repas. Sa vie est une succession de
(Le Cygne Noir) il faut
et de on doit
, jamais de que se passera-t-il si ?
2. L’intelligence du hasard
Le flâneur, lui, comprend que le hasard est un professeur. Il se promène sans destination, accepte les impasses, collectionne les aventures inutiles. Pour lui, l’erreur est une information, le détour un raccourci. Et c’est précisément parce qu’il ne planifie pas qu’il anticipe l’inanticipable.
(Antifragile)
Le flâneur ne
(Antifragile) prévoit
pas, il se prépare. Il ne calcule pas des probabilités, il cultive des options. Sa force vient de ce qu’il ignore : en restant ouvert aux bifurcations, il transforme l’aléa en allié. C’est la seule rationalité valable dans un monde non linéaire.
3. La touristification
de nos sociétés les fait devenir fragiles
La société moderne idolâtre le touriste. Elle lui vend des assurances, des guides, des algorithmes pour
optimiser
sa vie.
Le touriste traite le hasard comme un bug à éliminer. Le flâneur le considère comme une
feature
à amplifier.
effet Lindy