Optionalité : le Touriste et le Flâneur

Décryptages
Publié le 10/03/25
Mis à jour le 19/03/25
3min de lecture
Optionalité : le Touriste et le Flâneur
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Rome

  • 1. L’obsession du plan et la peur du désordre
  • 2. L’intelligence du hasard
  • 3. La  touristification  de nos sociétés les fait devenir fragiles

L’un réduit le réel à son modèle, l’autre élargit son modèle au gré du réel.

Le concept d’optionalité L’optionalité, cette propriété qui nous permet de faire de l’imprévu un atout L’optionalité, cette propriété qui nous permet de faire de l’imprévu un atout développé par Nassim Nicholas Taleb est le suivant : garder les options ouvertes, est peu coûteux, sans risque, mais peut s’avérer décisif, un peu plus tard …

La billetterie de la SNCF a bien compris ce principe d’optionalité — et la valeur que nous lui accordons — avec cette nouvelle forme de tarification variable mise en place (le  yield management  dans le jargon) : un billet  prem’s  réservé longtemps à l’avance vous coûtera très peu, mais il ne peut pas être échangé : votre billet ne vous coûte pas cher — mais vous lui êtes pieds et mains liés.

A l’inverse, celui qui veut garder ses options ouvertes payera le billet au prix fort : pour garder sa liberté, il faut désormais payer.

C’est ce que Taleb appelle la  touristification  de notre société, un concept dont il se sert pour illustrer comment notre monde — notre urbanisme en particulier — évolue vers la fragilité alors que nous croyons travailler, en l’optimisant (sobriété), à sa résilience.

Taleb a ainsi construit une dialectique entre deux archétypes existentiels :

  1. le  touriste , symbole de la prévisibilité naïve,
  2. et le  flâneur , incarnation de l’intelligence de l’aléatoire.

Voici leurs antagonismes, en quelques citations brutes (je vous laisse les transposer à notre art de bâtir les villes… c’est saisissant !)

1. L’obsession du plan et la peur du désordre

 Le touriste croit que la vie doit être lue comme un manuel d’instructions. Il suit un itinéraire, coche des cases, fuit les détours. Son voyage est une checklist. Mais cette quête de sécurité n’est qu’une vulnérabilité déguisée.  (Antifragile)

 La rationalité du touriste est une pathologie. Il confond la carte et le territoire, le menu et le repas. Sa vie est une succession de  il faut  et de  on doit , jamais de  que se passera-t-il si ?   (Le Cygne Noir)

2. L’intelligence du hasard

 Le flâneur, lui, comprend que le hasard est un professeur. Il se promène sans destination, accepte les impasses, collectionne les aventures inutiles. Pour lui, l’erreur est une information, le détour un raccourci. Et c’est précisément parce qu’il ne planifie pas qu’il anticipe l’inanticipable.  (Antifragile)

 Le flâneur ne  prévoit  pas, il se prépare. Il ne calcule pas des probabilités, il cultive des options. Sa force vient de ce qu’il ignore : en restant ouvert aux bifurcations, il transforme l’aléa en allié. C’est la seule rationalité valable dans un monde non linéaire.  (Antifragile)

3. La  touristification  de nos sociétés les fait devenir fragiles

 La société moderne idolâtre le touriste. Elle lui vend des assurances, des guides, des algorithmes pour  optimiser  sa vie. 

 Le touriste traite le hasard comme un bug à éliminer. Le flâneur le considère comme une  feature  à amplifier. 

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