Pour accélérer la transition, massifier nos solutions, devrons-nous standardiser encore plus ou plutôt bifurquer, quitter le chemin du 20ème siècle en déployant une véritable ingénierie de la conception ?
À Berlin, le Französischer Dom1 reprend les codes du classicisme français. Pas à l’identique. Pas seulement symboliquement. Mais par la mise en œuvre rigoureuse, libre et inspirée d’un modèle, d’un ensemble de modèles architecturaux, dans un autre contexte.
Mêmes principes, mêmes intentions, même langage technique, même intelligence, résultat adapté, unique.
Ce dôme qui trouve une nouvelle application à Berlin, est pour moi la parfaite allégorie ce que nous devons faire : déployer, démultiplier sans standardiser.
Déployer les compétences, l’intelligence, pas les objets ni les normes.
C’est le message que j’ai porté aux Rencontres pour l’avenir, organisées par le Deutsch-Französisches Zukunftswerk | Forum pour l’avenir franco-allemand mardi 20 mai à Berlin.
J’y ai défendu une idée simple : la transformation écologique, énergétique et territoriale ne pourra reposer sur le paradigme et les méthodes qui ont produit la ville et les territoires du 20ème siècle. Elle exige une montée en compétence massive dans l’ingénierie de la conception, non seulement pour penser l’exception, mais surtout pour généraliser la pertinence, l’adéquation, l’intelligence contextuelle, le sur mesure.
Les faits sont là : un rapport de mai de l’Institut Montaigne2 estime que la France devra recruter 100’000 ingénieurs et techniciens nets par an d’ici 2035.
Mais le système actuel, le moule intellectuel de l’ingénierie
- ne forme pas — je le crois, d’après ce je découvre dans le monde de l’aménagement du territoire et de la construction de nos villes — aux compétences qui permettront de piloter la complexité réelle des transformations que nous devons conduire,
- ne suscite pas assez de vocations.
Car aujourd’hui, les limites sur lesquelles nous buttons ne sont plus seulement techniques. Elles sont systémiques, spatiales, humaines, économiques.
Et les réponses que nous devons apporter à chaque problème rencontré ne sont pas et ne seront pas, si nous partons du déjà là, standardisables.
Il nous faut développer une ingénierie capable de produire de l’adéquation. Capable de concevoir des réponses circonstanciées, robustes, belles.
C’est cette capacité de concevoir sous contrainte qu’il faut nous faut massifier.
À Berlin, j’ai dit ceci : la sobriété
Sobriété foncière : quelles options et quels outils de maîtrise pour y parvenir ?
réelle — celle qui ne se perd pas dans les effets rebonds de nos politiques sectorielles — ne viendra pas de l’injonction morale, des réflexes ou autres changements comportementaux.
Elle viendra de la capacité à concevoir et déployer des options ajustées, acceptées, réalisables, belles désirables, enthousiasmantes.
Et tout cela passe par une chose : le métier
. Des métiers. Des idéaux. Des savoirs et des savoir-faire. Des outils. Un sens du service.
Et de l’ambition. De celles qui n’aiment pas les standards.
Notes :
- Le Französischer Dom (la Cathédrale Française) est situé sur le Gendarmenmarkt à Berlin. Malgré son nom, il ne s’agit pas d’une « cathédrale » au sens religieux, mais d’un dôme construit au XVIIIème siècle, adjacent à l’église des Huguenots français (Französische Friedrichstadtkirche). Le dôme et ses éléments ornementaux ont été ajoutés par l’architecte Carl von Gontard pour équilibrer la place et faire pendant au Deutscher Dom (Dôme Allemand) de l’autre côté du Gendarmenmarkt./li>
- Le rapport de l’Institut Montaigne.
La France forme insuffisamment de personnes aux métiers de l’ingénieur – ces fonctions clés qui conçoivent, développent et optimisent des solutions techniques et technologiques au service de l’industrie, du numérique, de l’énergie, des infrastructures ou encore de l’environnement.
Cette pénurie de profils scientifiques est déjà palpable et risque de s’aggraver dans les années à venir. Les dynamiques démographiques, peu favorables, annoncent une baisse du nombre d’étudiants, alors même que les viviers de recrutement actuels ne permettent déjà pas de répondre à la demande.
Par ailleurs, le système français d’enseignement supérieur, dans son état actuel, n’est pas en mesure de former suffisamment de techniciens et d’ingénieurs pour faire face aux besoins croissants.
Et pourtant, pour soutenir ses ambitions, l’économie française devra recruter près de 100’000 ingénieurs et techniciens nets par an d’ici 2035. Atteindre cet objectif impliquera, en plus de 40’000 reconversions professionnelles, la formation de quelque 60 000 diplômés supplémentaires chaque année.