Planter en limite de propriété présente de nombreux avantages. Préserver son intimité, agrémenter son cadre de vie par la beauté des végétaux, contribuer à la biodiversité en ville, gérer l’infiltration des eaux de pluie, se protéger des vents dominants ou des chaleurs estivales,… autant de raison de mobiliser les limites de sa propriété pour en faire une composante clé de l’aménagement de son jardin.
Le Code civil prévoit des règles en matière de plantation. Celui-ci s’applique lorsqu’aucune législation n’est en vigueur (on dit alors que les règles du Code civil sont supplétives). Les usages locaux, des arrêtés municipaux ou encore des cahiers des charges de lotissement sont susceptibles de prévoir d’autres règles qui prévalent sur celles du Code civil.
A quelle distance de la limite de propriété ai-je le droit de planter ? Est-ce que mon voisin peut me contraindre à élaguer un arbre ? Comment faire pour que mes arbres et arbustes plantés et cultivés avec soin puissent donner le meilleur sans devenir de potentiels objets de litiges avec les voisins ?
📕 Art. L511-3 du Code rural
L’article L511-3 du Code rural prévoit que « les chambres départementales d’agriculture sont appelées par l’autorité administrative à grouper, coordonner, codifier les coutumes et usages locaux à caractère agricole qui servent ordinairement de base aux décisions judiciaires. Les usages codifiés sont soumis à l’approbation des départements ».
1. Ce que dit le Code civil
1.1. Les distances à respecter
Les distances à respecter entre les plantations effectuées et la limite de propriété sont prévues par l’article 671 du Code civil.
- pour les plantation de moins de 2m de hauteur : la distance à la limite doit être d’au minimum 0,5m,
- pour les plantations qui, au cours de leur croissance, vont être amenées à dépasser 2m de hauteur : la distance à la limite doit être d’au minimum 2m,
- lorsqu’il y a un mur de séparation mitoyen ou privatif à celui qui réalise les plantations : il est autorisé de réaliser les plantations en espaliers de chaque côté, mais sans pouvoir dépasser la crête du mur.
📕 Art. 671 du Code civil
Il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus, et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations.
Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.
Si le mur n’est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d’y appuyer ses espaliers.
👉 Un exemple d’usage local reconnu : à Paris il est possible de planter en limite de propriété
Comme expliqué en introduction, les distances fixées par le Code civil sont supplétives : lorsqu’il existe d’autres règles, ou coutumes et usages constants et reconnus ces derniers prévalent.
Ainsi, dans la commune de Paris, mais aussi dans les jardins de « banlieue parisienne », la jurisprudence reconnait l’usage de planter en extrême limite de propriété à condition de procéder à un élagage régulier des plantations, les maintenant à une hauteur minimale.
☝️ « L’usage ne doit pas causer une gène excessive au propriétaire du fonds voisin » (Versailles, 21 nov. 1997: D. 1998. Somm. 349, obs. A. Robert (1re esp.)).
Cet usage se justifie par « l’exiguïté de la majorité des jardins urbains due à l’urbanisation intense des communes environnant Paris » (Paris, 10 oct. 1990: D. 1991. Somm. 313, obs. A. Robert).
Cet usage est ancien, constant, de notoriété publique et consacré par la jurisprudence pour les parcelles de pavillons d’habitation situées dans des lotissements pavillonnaires. La Cour d’appel de Paris considère alors que « l’usage parisien relatif à la distance pour la plantation des arbres s’étend géographiquement au fur et à mesure que se développe la banlieue parisienne ». Ainsi, la Cour d’appel de Versailles a considéré que devait bénéficier de cet usage une commune située à 45km de Paris et dont les parcelles pavillonnaires ont une surface comprise entre 1000m2 et 2500m2 (Versailles, 21 nov. 1997: D. 1998. Somm. 349, obs. A. Robert (1re esp.)).
1.1.1. Le cas de la haie mitoyenne
Si l’article 671 du Code civil énonce les distances à respecter entre la limite de propriété et les plantations réalisées, il existe un cas particulier qui permet d’occulter ces distances : il s’agit de la haie mitoyenne. Les propriétaires des fonds contiguës peuvent alors planter en limite de propriété une haie. Celle-ci est ensuite régie par les articles 668 à 670 du Code civil.
La haie mitoyenne peut être un gain de place et être particulièrement adaptée aux petits terrains. Mais elle présente aussi un avantage économique puisque sa propriété est partagée, elle est ainsi entretenue à frais communs (Art. 667 du Code civil). Cependant, l’un des copropriétaire pourra détruire la haie jusqu’à la limite de sa propriété s’il y érige un mur en lieu et place (Art. 668 du Code civil). Egalement, le deuxième alinéa de l’article 670 prévoit la possibilité, pour chaque propriétaire, d’arracher les arbres mitoyens.
Toutefois la jurisprudence a défini que cet alinéa ne concerne que « les arbres se trouvant dans une haie ou plantés sur la ligne séparative et non une rangée d’arbustes constituant une haie clôturant un jardin » (CC 3e civ 11 février 1976).
La mitoyenneté de la haie est une servitude qui doit apparaître sur l’acte authentique de vente.
1.1.2. Comment mesurer ces distances ?
La jurisprudence a arrêté la manière dont doivent être mesurées ces distances :
- Calcul de la distance à la limite : elle doit être comptée à partir du coeur de l’arbre (Civ. 3e, 1er avr. 2009, no 08-11.876 P: D. 2009. AJ 1087, obs. Chenu).
- Calcul de la hauteur de la plantation : elle doit être comptée depuis le sol du terrain où l’arbre est planté, et ce bien qu’il existe une différence de niveau entre les propriétés (Civ. 3e, 4 nov. 1998, no 96-19.708 JCP N PP, p.512).
Attention, l’article 671 du Code civil ne permet pas de s’exonérer de toute responsabilité. Parfois, bien que ces limites soient respectées, les plantations sont susceptibles d’empiétements ou de troubles de voisinage.
☝️ Si les limites de propriété ne sont pas précisément établies, il est possible de demander un bornage de la propriété. L’article 646 du Code civil prévoit un droit au bornage. Le bornage définit juridiquement les limites de propriété par rapport aux fonds contiguës, contrairement au cadastre qui a uniquement une valeur fiscale.
1.2. Empiétement
Le premier alinéa de l’article 673 du Code civil décide de leur sort : les fruits tombés naturellement des branches qui avancent sur la propriété voisine appartiennent au voisin. Le Code restreint la propriété de la récolte du voisin aux fruits tombés sur sa propriété. Cela sous entend qu’il n’aurait pas le droit de les cueillir.
📕 Art. 669 du Code civil
Tant que dure la mitoyenneté de la haie, les produits en appartiennent aux propriétaires par moitié.
📕 Art. 670 du Code civil
Les arbres qui se trouvent dans la haie mitoyenne sont mitoyens comme la haie. Les arbres plantés sur la ligne séparative de deux héritages sont aussi réputés mitoyens. Lorsqu’ils meurent ou lorsqu’ils sont coupés ou arrachés, ces arbres sont partagés par moitié. Les fruits sont recueillis à frais communs et partagés aussi par moitié, soit qu’ils tombent naturellement, soit que la chute en ait été provoquée, soit qu’ils aient été cueillis.
Chaque propriétaire a le droit d’exiger que les arbres mitoyens soient arrachés.
2. Les sanctions
Le non respect des dispositions en vigueur est passible de sanction. Le requérant peut saisir le tribunal en réclamation de l’application des articles 671 et 672 et ce même en l’absence de préjudice (Civ. 3e, 16 mai 2000, n°98-22-382). Le tribunal à saisir est le tribunal judiciaire.
Il devra attaquer le propriétaire du fonds sur lesquelles sont situées les plantations irrégulières, et non l’occupant qui n’en serait pas propriétaire (Civ. 3e, 5 févr. 2014, n°12-28.701).
📕 Art. 672 du Code civil
Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l’article précédent, à moins qu’il n’y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.
Si les arbres meurent, ou s’ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu’en observant les distances légales.
2.1. Exceptions
Comme évoqué précédemment, avant d’attaquer il faudra veiller à ce que le propriétaire des plantations ne soit pas titulaire d’un titre, d’une convention entre voisins enregistrée par un notaire qui permet des plantations irrégulières, ou encore d’’une servitude par prescription ou par destination du père de famille.
En savoir plus : 📰 Quel est le sort des plantations situées à proximité des limites de propriété issues d’une division parcellaire ?