Rénovation énergétique : sortir des « mono-gestes »… ou des politiques publiques « mono-objectif » ?
La rénovation aidée ne doit pas être un déversoir à argent public mal utilisé parce qu’employé sans compréhension de la nature des besoins.
Avec un budget de l’Anah historique (4 milliards € pour 2023) l’effort public pour améliorer l’habitat privé est considérable. Lors des voeux de l’Agence début 2023, le chiffre de 66000 rénovations globales sur 718000 logements aidés en 2022 (moins de 10%) a été cité par le Président Thierry Repentin, qui annonçait une poursuite de la massification mais aussi un «virage qualitatif».
Avons-nous les moyens de multiplier par 10 le rythme des rénovations globales d’ici 2050 pour rendre performants énergétiquement, en l’espace de 27 ans, 20 millions de logements construits avant 1975, soit 750 000 par an contre 66 000 aujourd’hui ?
On distingue la rénovation par geste – les bon gestes qui changent la donne (aide moyenne par logement 3 800€) – et la rénovation globale, plus performante, plus coûteuse, pratiquée essentiellement dans des dispositifs type OPAH associant aides Anah (souvent + de 20000€ par logement), abondements par les collectivités, et ingénierie d’accès aux aides.
C’est également à l’échelle de dispositifs locaux, parfois couplés à une OPAH, que certaines collectivités expérimentent une autre voie, la reconfiguration sur mesure.
Dans la rénovation globale, les travaux aidés répondent au paradigme industriel d’une rénovation complète performante, facile à concevoir (application de standards), à mesurer (gain de performance calculé), avec des lacunes, comme les effets rebond (consommation et émissions supérieures aux calculs), une approche limitée à la performance énergétique, à l’exclusion des usages, du confort, de la distribution des pièces… et une part importante d’abandons quand le propriétaire n’adhère plus au projet normé.
Les effets leviers constatés sont faibles (1€ d’aide déclenche 1€ du porteur de projet).
Dans les dispositifs expérimentaux de reconfiguration sur mesure, une ingénierie de conception, de coaching, et d’appui à l’aboutissement des projets permet de ne pas se limiter à la performance énergétique en abordant des options de stratégie patrimoniale, d’adaptation des logements aux aspirations contemporaines (éclairement, confort de vie, espaces extérieurs privatifs), de recomposition (création d’accès aux étages, projets mixtes locatif/privatif ), et une intégration des usages pour éviter l’effet rebond.
La connexion avec les priorités et ressorts d’action des porteurs de projets, les stratégies de valorisation (vente de combles, de logements, d’un terrain), permettent un effet levier constaté supérieur à celui des rénovations globales (1€ d’ingénierie déclenche 10€ de travaux) avec une meilleure utilisation des m² rénovés -perspective ZAN.
Les moyens financiers publics consacrés à l’amélioration de l’habitat privé ne peuvent clairement pas être multipliés à l’infini. En revanche, nous disposons de marges considérables dans l’amélioration de leur effet de levier, en approfondissant la piste de la reconfiguration sur mesure, qui a le mérite, si les hypothèses testées se confirment, de ne pas demander une multiplication par 10 des budgets.
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