Artificialisation des sols et rareté artificielle du foncier constructible au sein des espaces déjà bâtis : un double combat

Dans une tribune parue dans Le Monde en août 2023, l’économiste Carl Gaigné nous alerte sur un point crucial : la loi Climat et résilience, en combattant l’artificialisation des sols, risque d’accroître la crise du logement, en opérant des transferts de richesse de jeunes générations vers des propriétaires plus âgés.

“La valeur du sol urbain dépend fortement de sa localisation”

1/ Qu’est-ce qui donne une valeur (et donc un prix) au foncier ?

“Le prix d’un appartement de 60 mètres carrés est de 90 000 euros à Provins et de 780 000 euros dans le 6e arrondissement, à Paris. Les coûts de construction et du crédit variant très faiblement entre les communes, l’écart de prix, près de 700 000 euros, s’explique en grande partie par l’écart dans la valeur du foncier urbain.”

Et ce foncier urbain, c’est le cadre de vie, sa densité, ses services, ses équipements, ses commerces et ce qu’il rend aisément accessible, notamment l’emploi, qui lui donnent une valeur.

Stopper l’étalement urbain a des conséquences directes sur le prix du logement dans les territoires tendus

2/ Le 2e constat posé par Carl Gaigné, bien qu’évident, est trop peu analysé et discuté :

“Toute mesure visant à réguler l’usage du foncier et à stopper l’étalement urbain se traduira par une hausse des valeurs foncières urbaines, notamment dans les territoires connaissant une hausse de la demande de logement. La lutte contre l’artificialisation des sols devrait se traduire par une hausse du prix du logement.”

3/ Rapprocher les habitants et les fonctions urbaines les uns des autres a plusieurs vertus, environnementales et économiques :

“L’éparpillement de la population urbaine accroît les distances parcourues par les ménages. Si le progrès technique réalisé par les constructeurs automobiles a permis de réduire les émissions de carbone, les hausses observées des distances parcourues par les automobilistes ont annulé les bénéfices écologiques du progrès technique.”

4/ Mais voilà, “cette hausse du prix de l’immobilier générée par la lutte contre l’artificialisation des sols risque de détériorer davantage le déséquilibre entre générations.”

“Les jeunes générations avec des revenus modestes enrichiront les propriétaires, qui ont en moyenne 60 ans et sont dotés d’un patrimoine élevé. Environ 10 % des ménages possèdent près de la moitié du parc de logements.”

Comment endiguer la hausse du prix de l’immobilier générée par la lutte contre l’artificialisation des sols ?

5/ Si lutter contre l’artificialisation des sols est une nécessité… :

“Des politiques ambitieuses d’accompagnement à la lutte contre l’artificialisation des sols sont nécessaires pour ne pas amplifier la crise du logement.”

6/ …recourir à l’impôt pour financer des dispositifs de soutien à l’accès au logement l’est tout autant :

“Le financement des mesures de soutien d’aide d’accès au logement pour les ménages est possible par l’impôt sans créer de désincitation à l’investissement”

7/ Parmi ces mesures, la lutte contre la rareté foncière en secteur urbain, et donc contre la hausse des prix immobiliers, autrement dit, le combat pour l’abondance de fonciers constructibles en renouvellement urbain, est fondamental.

8/ Ce combat peut et doit s’accompagner d’une forte augmentation de la végétalisation des villes.