En permettant le partage d’un accès existant, la servitude de passage peut rendre possible la création d’un lot à bâtir par division parcellaire là où la création d’un accès individuel ne serait pas possible. Si la convention de servitude de passage définit quelle propriété supporte le passage au profit de l’autre, elle ne précise pas toujours un élément clé de la bonne entente des propriétaires dans le temps : la répartition des coûts d’entretien du passage. Est-il possible de prévoir un répartition des coûts ? Lorsque cela n’est pas précisé, quelle est la règle qui s’applique ?
1. Les travaux nécessaires à l’usage de la servitude
Le Code civil ne laisse pas de place au doute : le propriétaire du fonds dominant est en droit de faire des travaux lui permettant d’user et de conserver la servitude (Art. 697) et ces travaux sont à sa charge (Art. 698), sauf si le titre précise le contraire (Article 699).
Ainsi, il convient de distinguer si la servitude est légale (concédée pour cause d’enclave) ou conventionnelle (résultant exclusivement d’un accord entre les parties). Dans ce dernier cas, il faut se référer au contenu du titre : celui-ci peut en effet mentionner la répartition des charges. Si c’est le cas ce qu’il mentionne prévaut, bien que la répartition soit différente de celle exprimée dans l’article 698 du Code Civil.
Il est rappelé que le propriétaire du fonds dominant ne peut rien faire qui tende à diminuer l’usage de la servitude pour le fonds servant, ni même qui le rendre plus incommode (Article 701 du Code civil).
1.1. Qu’en est-il des servitudes légales concédées en cas d’enclave ?
La question s’est posée de savoir si la répartition des charges diffère pour les servitudes légales.
La Cour de Cassation a affirmé, dans un arrêt du 12 mars 2014 de la 3e chambre civile (n°1225152) que “les articles 697 et 698 du code Civil […] s’appliquent quel que soit le mode d’établissement de la servitude”.
Ainsi, lorsque la servitude de passage a été imposée par le juge, le fonds dominant a le droit de réaliser les ouvrages nécessaires à l’exercice de la servitude, le coût des travaux lui revenant.
📕 Article 697 – “Celui auquel est due une servitude a droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver”
📕 Article 698 – ”Ces ouvrages sont à ses frais, et non à ceux du propriétaire du fonds assujetti, à moins que le titre d’établissement de la servitude ne dise le contraire”
📕 Article 699 – “Dans le cas même où le propriétaire du fonds assujetti est chargé par le titre de faire à ses frais les ouvrages nécessaires pour l’usage ou la conservation de la servitude, il peut toujours s’affranchir de la charge, en abandonnant le fonds assujetti au propriétaire du fonds auquel la servitude est due […]”
1.2. Qu’en est-il en cas de communauté d’usage ?
Lorsqu’il existe une communauté d’usage de la servitude, c’est à dire que les occupants des deux fonds passent sur son assiette, le propriétaire du fonds servant doit lui aussi contribuer aux frais d’entretien et de réparation de cette servitude.
👉 Exemple : Cour de cassation – Troisième chambre civile, 22 mars 1989 : Bull. civ. III / n° 87-17.029
” Attendu que les consorts Y… reprochent à l’arrêt de les avoir condamnés à participer aux frais de réfection du chemin, alors, selon le moyen, ” que les dispositions des articles 697 et 698 du Code civil aux termes desquels c’est au propriétaire du fonds dominant de supporter les frais nécessaires pour l’exercice et la conservation de la servitude, ne souffrent d’exception qu’en cas de faute du propriétaire du fonds servant, viole tant ces textes que l’article 1382 du Code civil l’arrêt attaqué qui met une contribution à ces frais à la charge des propriétaires du fonds servant du seul fait qu’ils empruntent eux-mêmes le passage litigieux, sans relever aucune faute de leur part ”
Mais attendu qu’ayant relevé l’existence d’une communauté d’usage de l’assiette de la servitude par le propriétaire du fonds dominant et celui du fonds servant, la cour d’appel a exactement décidé que ce dernier devait contribuer aux frais d’entretien et de réparation. D’où il suit que le moyen n’est pas fondé “
2. Applications récentes
2.1. Frais d’entretien et de conservation de la servitude
👉 Exemple : Cour de cassation – Troisième chambre civile, 14 décembre 2023 / n° 22-13.653
Il s’agit d’une servitude conventionnelle dont le titre mettait à la charge du propriétaire du fonds servant la création de la voie de desserte nécessaire à l’exercice du passage.
La Cour de cassation a précisé dans son arrêt que “le titre en cause […] ne comportait aucune stipulation relative aux frais d’entretien de l’assiette de la servitude”. Elle a ainsi arrêté que ces derniers, “selon l’article 698 du code civil, restent dès lors aux frais du propriétaire du fonds dominant”.
2.2. Frais d’entretien, de réparation et de nettoyage des voiries ainsi que des voies de circulation piétonnes situées sur le fonds servant
👉 Exemple : Cour de cassation – Troisième chambre civile 1 juin 2022 / n° 21-16.132
Il s’agit d’une servitude légale pour état d’enclave au bénéfice d’une parcelle destinée à accueillir un bâtiment commercial. Une communauté d’usage des voies existe entre les deux fonds. Le propriétaire du fonds dominant est condamné aux charges d’entretien, de réparation et de nettoyage des voiries ainsi que des voies de circulation piétonnes situées sur le fonds servant, en proportion de la surface de plancher des bâtiments qui seront construits sur le fonds dominant.
En somme, hors convention contraire, les travaux d’entretien d’une servitude de passage sont à la charge du fonds dominant et si l’usage de l’assiette de la servitude est partagé, les frais sont répartis entre fonds dominant et servant. Dans tous les cas, il est cependant possible que les parties s’entendent sur une répartition différence lors de la rédaction de la convention de servitude.