Quand nos modèles numériques deviennent les premiers obstacles de l’adaptation au changement climatique

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Publié le 17/12/25
Mis à jour le 17/12/25
2min de lecture
Quand nos modèles numériques deviennent les premiers obstacles de l’adaptation au changement climatique
bdnb.io / Anthony Quigley

Cartographie des classes de risques de surchauffe des bâtiments à l’échelle France / Séville, Espagne

  • 1. Prendre des vessie pour des lanternes
  • 2. Le terrain hurle la vérité depuis 20 ans, mais nos modèles ne l’entendent pas
  • 3. Le problème est pourtant connu
  • 4. Le résultat est violent : nous détruisons sur le papier les formes urbaines vernaculaires qui ont prouvé leur efficacité

Quand nos modèles numériques deviennent les premiers obstacles de l’adaptation au changement climatique.

1. Prendre des vessie pour des lanternes

L’ISB-DH, l’indice de surchauffe des bâtiments La densité urbaine des rues étroites et des cours profondes : la clim passive (et gratuite) que l’ISB-DH peint en rouge La densité urbaine des rues étroites et des cours profondes : la clim passive (et gratuite) que l’ISB-DH peint en rouge , vient d’être publié par le CSTB.

Une carte nationale saturée de rouge dans les lieux où la majorité des français a décidé de vivre.

Et tout le monde applaudit.

Le problème c’est que, dans son état actuel, cet indicateur ne mesure pas la réalité : il la remplace.

Nous voici donc préparant, gaiement, vers une nouvelle catastrophe décisionnelle.

Tel qu’il est constitué, le modèle de l’ISB-DH appliquerait la même couleur rouge à :

  • une cour andalouse dans laquelle il fait 14°C de moins que dans les rues voisines en période de canicule,
  • le coeur d’un îlot haussmannien rafraichit par la ventilation naturelle,
  • une rue exposée plein sud à 55°C de température de surface,
  • une grande avenue trop large et sans ombre, dont les arbres suffoquent,
  • un tissu urbain compact protégé du soleil…

Tout est écrasé, lissé, faux.

2. Le terrain hurle la vérité depuis 20 ans, mais nos modèles ne l’entendent pas

Les mesures empiriques sont sans ambiguïté :

  • Patios andalous : –6,8 à –14,3°C quand il fait 40°C à l’extérieur (Galán-Marín et al., 2021)
  • Canyons urbains profonds : –10°C ressentis (Ali-Toudert & Mayer, 2006)
  • Morphologies compactes : –18 à –26 % de charge de refroidissement (Salvati et al., 2017)
  • Morphologiques optimisées : –10 à –20 % de besoin en froid (Javanroodi et al., 2018)

Et pourtant, l’indicateur national peint tout cela en rouge foncé, classe 10 :  danger maximal .

A qui profite le crime, sinon aux contempteurs de la densité urbaine ?

3. Le problème est pourtant connu

  • L’Agence européenne de l’environnement (2022) :  une information limitée sur l’ampleur réelle de la surchauffe. Un vide de connaissances critique .
  • Hong et al. (2020) :  Le microclimat urbain reste un défi non résolu .
  • Liao et al. (2025) :  Les modèles ne capturent pas la 3D réelle des villes .
  • Mitchell & Natarajan (2020) :  Les modèles prédisent le confort. Le terrain montre la surchauffe .

Nous savons que ces modèles sont aveugles.

4. Le résultat est violent : nous détruisons sur le papier les formes urbaines vernaculaires qui ont prouvé leur efficacité

Plus il fait chaud, plus la ville dense et compacte, celle qui accélère la circulation de l’air et et nous prodigue l’ombre, devient une machine climatique gratuite.

Mais comme l’ISB-DH ne sait pas lire l’ombre, la profondeur, l’inertie, la ventilation :

  • il diabolise les formes qui protègent,
  • il survalorise les formes qui exposent,
  • il se prépare à orienter des milliards d’investissement vers les mauvaises solutions.

Il est urgent d’arrêter de croire le modèle numérique contre l’expérience.

Avant de décider, de classer et de dépenser des milliards : mesurons, observons, vérifions.