« Extrêmistan » VS « Médiocristan » : deux régimes statistiques à bien distinguer pour mieux penser — et surtout faire la ville

Décryptages
Publié le 13/05/25
Mis à jour le 13/05/25
3min de lecture
« Extrêmistan » VS « Médiocristan » : deux régimes statistiques à bien distinguer pour mieux penser — et surtout faire la ville
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Moutiers-Sainte-Marie, France

  • En biologie
  • En ville
  • En aménagement

Avec ces deux formules mnémotechniques, presque choquantes, le statisticien Nassim Nicholas Taleb nous envoie un avertissement.

Nous devons nous attacher à bien distinguer deux types de phénomènes :

  1. Ceux dont la distribution obéit à une loi normale (courbe en cloche, centrée autour d’une moyenne, où les écarts sont modérés) ;
  2. Et ceux dont la distribution obéit à une loi de puissance (petites valeurs innombrables, grandes valeurs rares mais structurantes).

Cette distinction traverse les sciences dures, le vivant, la culture, la société et, bien sûr, l’urbain.

En biologie

  1. La taille des individus d’une même espèce suit une loi normale,
  2. Mais au sein d’un écosystème, la répartition des masses animales suit une loi de puissance : Les petits sont dominants en nombre et en biomasse globale, les grands sont rares mais dominants dans les fonctions structurantes de l’écosystème.

En ville

  1. La hauteur des immeubles, dans un quartier soumis à une règle qui la limite, suit une loi normale, avec des variations autour de 70% à 80% des droits effectivement autorisés,
  2. La fréquentation des lieux publics suit une loi de puissance : certains concentrent 10 à 100 fois plus d’usages que d’autres de même statut.

En aménagement

  1. Sur un territoire, le rythme des divisions parcellaires La transformation des lotissements par la division parcellaire La transformation des lotissements par la division parcellaire suit une loi normale : 0,1% à 0,2%/an, soit 20’000 à 40’000 terrains sont produits chaque année en France, en secteur tendu comme en secteur détendu.

  2. Il est très rare d’observer des vitesses dépassant 1% à 2%/an.

  3. La valeur des terrains issus d’une division suit une loi de puissance : de 20’000€ pour 1’000 m², dans de petits villages des Vosges, à quelques 200’000€ ou 300’000€ pour 100 à 200m² en 1ère couronne d’Île-de-France.

Soit un facteur de 100 à 200 sur la valeur du m².

C’est Nassim Nicholas Taleb qui introduit ces deux concepts : Médiocristan et Extrêmistan.

Dans le développement du Cygne Noir et d’Antifragile Antifragilité : éloge de la redondance Antifragilité : éloge de la redondance , ses deux ouvrages clés, il nous adresse, à nous urbanistes, un avertissement : si nos systèmes de conception Antifragilité : l’ « effet Lindy » Antifragilité : l’ « effet Lindy » , de planification et de contrôle,

  • peuvent être utiles et efficaces dans le Médiocristan, le monde des phénomènes Certains phénomènes sont gouvernés par la moyenne. D’autres par les extrêmes. Certains phénomènes sont gouvernés par la moyenne. D’autres par les extrêmes. variant de façon prévisible autour de la moyenne,
  • ils sont potentiellement contre-productifs voire dangereux en Extrêmistan, le monde gouverné par les lois de puissance.
    • Sans nous en apercevoir, si nous n’opérons pas cette distinction entre les phénomènes relevant d’un monde, et ceux relevant de l’autre, nous risquons, au moment d’intervenir dans l’écosystème urbain, de nous fourvoyer.

       Le problème est donc que nous pensons le plus souvent vivre au Médiocristan  nous dit Taleb.

       Or, le monde est dominé par l’Extrêmistan. 

      Ainsi, en voulant bien faire,

      • nous créons nos propres aveuglements (par nos plans),
      • nous empêchons nos propres processus d’adaptation (par nos règles),
      • et nous créons nos rigidités et fragilités (par nos projets),

      là où nous croyions organiser, anticiper !

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