« L’homme est capable de faire ce qu’il est incapable d’imaginer. »
Quels sont les apports possibles de la modélisation en architecture et en urbanisme pour la fabrique de nos cadres de vie mais également pour nous aider à résoudre la crise profonde du logement ?
De nouveaux métiers d’architectes
Saviez-vous que les domaines de l’aéronautique, de la conception logiciel, des systèmes d’information des entreprises, du knowledge management, de l’organisation des entreprises, de la botanique ou encore la science des matériaux sont autant de domaines qui explorent aujourd’hui, de façon plus ou moins formalisée de nouveaux métiers d’« architectes » (et d’« urbanistes »), la construction de « modèles architecturaux », la définition de nouvelles « approches architecturales » ou encore la conception d’un « paradigme architectural » ?
Si je propose de procéder à cette généralisation de la notion d’architecture, ce n’est pas pour m’éloigner des objets qui ont bénéficié traditionnellement de cette forme d’intelligence spécifique — la ville et ses bâtiments. C’est au contraire parce que les villes ont été, ces dernières années, largement perçues, analysées et décrites comme « émiettées », « éclatées », « fragmentées », « chaotiques », « diffuses »… qu’il me semble nécessaire de revenir sur ce qui constitue le cœur de notre travail : donner aux cadres de vie que nous produisons quotidiennement des qualités architecturales, paysagères et urbanistiques.
Des qualités qui ont pu prendre, hier, les noms d’ordonnancement, de distribution, de composition, d’eurythmie, de symétrie et que les recherches en matière d’architecture des systèmes complexes remettent aujourd’hui au goût du jour en conceptualisant, par exemple, les qualités de :
Hiérarchie ;
Quasi-décomposabilité ;
Scalabilité ;
Fractalité,
Récursivité,
etc…
Toutes les qualités architecturales ne s’acquièrent pas uniquement par ce que nous appelons le « projet » ou le « dessin »
Le postulat qui sous-tendu l’ensemble des travaux de recherche auxquels j’ai pu contribuer est celui-ci :
« Architecturer » donne des qualités « architecturales » à ce que nous organisons, structurons, produisons
Les processus de conception et de construction des villes, des paysages, des territoires, des bâtiments, tous ces processus, ces chaînes de valeur, gagneraient à être « plus architecturés », « mieux architecturés » pour produire des espaces plus vivables, vivants, intenses, désirables.
Ce n’est pas la densité qui est la cause première du NIMBY — et de la pénurie artificielle de droits à bâtir qui compromet notre capacité à nous loger à l’heure du ZAN — mais le manque de qualités que nous donnons à cette densité.
Or toutes ces qualités ne s’acquièrent pas uniquement par ce que nous appelons le « projet » ou le « dessin » : nous devons inventer — ou redécouvrir — des approches, des processus capables d’engendrer des qualités qui dépassent ce que nous sommes capables d’imaginer.
ALLER PLUS LOIN
➼ Sur la modélisation architecturale en botanique, voir, par exemple, la définition que donnent Claude Edelin, Daniel Barthelemy et Pierre Raimbault d’un « modèle architectural » :
« Le concept de modèle architectural a été introduit par Hallé et Oldeman en 1970 à la suite de l’observation de la structure et du mode de développement des plantes tropicales. Ces deux auteurs avaient constaté que malgré la diversité spécifique, l’architecture des plantes pouvait se résumer à un nombre restreint de formes fondamentales qu’ils ont nommées ‘modèles architecturaux’. « Le modèle architectural d’une plante peut être défini comme la série d’architectures qui se succèdent, dans des conditions écologiques stables et non contraignantes, de sa germination à sa floraison et qui résultent de l’expression de son patrimoine génétique. Il correspond donc à une stratégie de croissance inhérente à la plante et représente l’expression de son programme de développement endogène. « Il débute à la germination et se manifeste ensuite par la formation successive et ordonnée d’organes qui sont qualifiés de ‘séquentiels’. »
« L’urbanisme traditionnel peine à appréhender des formes d’urbanisation aujourd’hui largement majoritaires en Europe : les territoires contemporains ‘d’entre-deux’, ni urbains ni ruraux. Ils posent question à ceux qui les analysent, les organisent ou s’y inscrivent. Cet ouvrage tire ses enseignements de l’un des plus représentatifs d’entre eux : la Belgique et le Brabant, ex-province autour de Bruxelles. »