Rénovation énergétique : sortir des « mono-gestes »… ou des politiques publiques « mono-objectif » ?

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3 min de lecture.  |  Publié le 04/06/2024 sur | Mis à jour le 04/06/24

Immobilier : le gouvernement assouplit fortement la réforme de MaPrimeRénov’

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Anne Feitz | lesechos.fr

Gardons-nous de répandre sur les 29 millions de propriétaires privés nos « vérités » en matière de rénovation énergétique

Marthe, ma grand-mère, s’était octroyé sur le tard le luxe d’une douche « avec l’eau chaude ». La vôtre a peut-être fait isoler ses combles. Vos amis, aimeraient peut-être plus de lumière, ou souhaiteraient une salle de bain et une chambre au rez-de-chaussée.

Loin de ces aspirations simples à réaliser, avec des artisans proches de chez vous, la rénovation des logements est devenue une icône de l’écologie d’ingénieur. Cette dernière aspire à canaliser les finances publiques pour prendre la main, une bonne fois pour toutes, face à 29 millions de propriétaires privés, apparemment trop peu au fait des choses pour accéder à l’autodétermination en matière de travaux :

  • « Il faut absolument engager des rénovations profondes et arrêter les monogestes », nous dit sur France Bleu Carine Sebi, professeure en École de Management, « car les premières ont un retour sur investissement bien meilleur ».
  • « Même si cela paraît contre-intuitif, mieux vaut ne rien faire que de faire un monogeste » nous dit, citant l’ADEME, Vincent Legrand, Ingénieur en physique, qui « bondit » dans un article de Libération à l’évocation d’un soutien aux mono gestes.

Au 18ème siècle, le mathématicien Condorcet n’expliquait-il pas que le rôle des Européens devait être de répandre parmi les nations indigènes « les vérités utiles à leur bonheur » ?

Après Condorcet, mais bien avant Négawatt, si ma grand-mère avait eu la chance de les écouter, elle se serait lavée à l’eau froide jusqu’à la fin de ses jours.

Sortir du débat mono-gestes versus rénovation énergétique globale

Et c’est peut-être en pensant à sa propre grand-mère que Christophe Béchu a déclaré, contre les ingénieurs : « Mieux vaut une rénovation globale à un mono-geste mais mieux vaut un mono-geste plutôt que pas de rénovation du tout », pour justifier le retour des subventions aux travaux uniques à partir du 15 mai 2024.

Cette annonce intervient deux mois et demi après l’entrée en vigueur de la réforme des aides aux rénovations énergétiques des logements, au 1er janvier 2024, qui avait pour vocation initiale de « favoriser les rénovations globales » et à « renforcer l’aide apportée aux ménages les plus modestes », selon un autre article des Echos.

Il pensait aussi, certainement, à l’effondrement des demandes d’aide, résultat du changement de règlementation en faveur des rénovations globales et contraignant, avant tout soutien, les porteurs de projets à s’en remettre aux bons soins, payants, d’« accompagnateurs Rénov’ ».

La CAPEB (le syndicat patronal représentant l’artisanat du bâtiment) déclarait en février 2024 sur Batiweb qu’ « avec plusieurs centaines de millions d’euros non consommés de l’enveloppe MaPrimeRénov 2023, l’urgence en 2024 n’est pas budgétaire mais la révision immédiate du dispositif ».

Devons-nous rester enlisés dans le débat mono-gestes vs rénovations globales ? A quand un accompagnement humain aux reconfigurations multi-finalités, plutôt qu’un soutien financier aux rénovations partielles ou globales « mono-objectif » que le prisme unique d’une performance normée expose aux effets rebonds, et la complexité de la mise en œuvre administrative à de multiples dérives, avec un accompagnement tourné vers la norme plutôt que sur l’adaptation aux besoins ?

La rénovation aidée ne doit pas être un déversoir à argent public mal utilisé parce qu’employé sans prise en compte ni compréhension de la nature des besoins.