Les villes anciennes sont-elles vraiment le résultat d’un urbanisme « low tech » ?

Métiers
Publié le 05/07/23
Mis à jour le 17/06/25
3min de lecture
Les villes anciennes sont-elles vraiment le résultat d’un urbanisme « low tech » ?
Marc Muller | linkedin.com

l'annexe de la Basilique de Santa Maria Novella de Florence

  • Pourquoi n’arrive-t-on plus à faire ce que l’on réussissait il y a un siècle ?
  • Et si les urbanistes et architectes s’inspiraient des  design patterns  ?

Ne seraient-elles pas plutôt le résultat de l’application de dispositifs intelligents, de modèles sophistiqués, de règles subtiles, de patterns mnémotechniques et de méthodes pointues que l’on serait en droit de qualifier, humblement, de  high tech  ?

 Produire du froid gratuit , ventiler naturellement Comment l’urbanisme permettait-il de se protéger du vent ? Comment l’urbanisme permettait-il de se protéger du vent ? , faire baisser les températures Cours intérieures : une technique traditionnelle de climatisation passive des villes… qui révèle les limites de nos modèles de simulation du climat urbain Cours intérieures : une technique traditionnelle de climatisation passive des villes… qui révèle les limites de nos modèles de simulation du climat urbain réelles et ressenties, sans énergie, avec élégance, par exemple, n’est pas donné à tout le monde, et loin d’être simple à réaliser !

Alors, est-ce vraiment  low tech  ?

Pourquoi n’arrive-t-on plus à faire ce que l’on réussissait il y a un siècle ?

 Le niveau de connaissances s’est effondré de façon parfaitement parallèle à la disponibilité du pétrole au 20ème siècle 

C’est par cette formule volontairement provocante que Marc Muller, fondateur d’Impact Living, commence l’un de ses posts Linkedin. Il y pointe du doigt le fait que pendant 2’000 ans, les bâtiments étaient conçus de manière à résister à la chaleur – art qui s’est vraisemblablement perdu au 20ème siècle.

C’est vrai, l’énergie peu chère nous a permis de nous passer d’intelligence et de recourir à des palliatifs simplistes (la climatisation, par exemple) : des palliatifs  low tech  Nos villes deviendront-elles plus « durables » grâce à une approche « low tech » ? Nos villes deviendront-elles plus « durables » grâce à une approche « low tech » ? finalement.

J’ajouterais que le niveau des connaissances s’est également effondré de façon parfaitement parallèle :

  1. à l’avènement, dans le champ de l’architecture et de l’urbanisme, de l’idéologie de la  tabula rasa  : on a souhaité raser le coeur de Paris comme on a souhaité éliminer, grâce au tout béton notamment, les métiers, les corps d’état, l’artisanat, les savoir-faire, les modèles architecturaux et urbains, l’art de bâtir les villes…
  2. à l’ultra-découpage des sciences et des techniques, lequel a abouti à ce qu’un bâtiment ou une ville ne puisse plus être compris – ni modélisé – de façon  systémique , globale, intelligente.

Les modélisations sectorielles –  scientifiques  au sens moderne du terme – des ingénieries et des sciences humaines et sociales ont supplanté les modèles architecturaux et urbains historiques, dans l’enseignement, et dans la pratique.

Et si les urbanistes et architectes s’inspiraient des  design patterns  ?

Rien n’est perdu pour autant, nous pouvons (en nous pressant un peu !) :

  1. considérer les villes anciennes comme un réservoir de connaissances Le grand livre des villes vivantes : « tout est déjà là » Le grand livre des villes vivantes : « tout est déjà là » , un état de l’art qui ne demande qu’à être mobilisé ;
  2. les modéliser, avec une méthode de modélisation qui ne procède pas au découpage des objets aspect par aspect, facette par facette, mais qui fasse ressortir l’intelligence multidimensionnelle des dispositifs architecturaux et urbains dont nous pouvons aujourd’hui constater les performances : une méthode de modélisation  architecturale 1.

Le travail de Christopher Alexander et son équipe du  Pattern Language 2 dans les années 70 est pionnier en la matière.

Pendant plusieurs décennies, le monde des développeurs logiciels s’est très largement approprié cette méthode des  design patterns  pour formaliser, partager, faire évoluer les connaissances naissantes de la discipline, des connaissances utiles dans la résolution de problèmes de conception complexes.

En urbanisme et en architecture, ce travail Bâtir des villes et villages vivants ne se fera pas sans prouesse, sans travail, sans intelligence Bâtir des villes et villages vivants ne se fera pas sans prouesse, sans travail, sans intelligence , à l’époque moderne, n’a quasiment pas commencé…

Alors il est peut-être temps de l’entamer !


Notes :

  1. David Miet. Une épistémologie de la modélisation architecturale. Architecture, aménagement de l’espace. Ecole doctorale ED 355 « Espaces, Cultures et Sociétés », 2013. Français. ⟨NNT : ⟩. https://hal.science/tel-02362492
  2. Alexander, Christopher, Sara Ishikawa et Murray Silverstein. A Pattern Language : Towns, Buildings, Construction. New York : Oxford University Press, 1977.
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