L’optimisation des espaces : des territoires aux logements
Je suis un urbaniste passionné… et très énervé par la situation actuelle de la construction en France, et tout ce qui en découle : la crise du logement et notre incapacité […]
Et si l’interdiction à la location des passoires thermiques ne poussait pas à les rénover mais plutôt à les sortir du marché locatif ?
Depuis quelques années, les présumées passoires thermiques
se vendent beaucoup, avec des décotes importantes et, si l’on en croit les données de la plateforme GoFlint, beaucoup plus vite que les biens présentant un bon DPE.
Le profil des vendeurs ne fait guère de doute : nous avons affaire à (i) des bailleurs privés qui, déjà fragilisés par des rendements locatifs peu élevés, préfèrent revendre leur bien mal noté à vil prix plutôt que de se lancer dans l’aventure d’une rénovation énergétique et, par ailleurs, (ii) des propriétaires-occupants et des propriétaires de résidences secondaires qui anticipent une poursuite de la dégradation de la valeur des passoires thermiques.
Mais c’est surtout le profil des acheteurs qui, selon nous, mérite une attention particulière.
Pour des investisseurs privés aguerris, rompus à l’exercice de la rénovation énergétique, et dans certains cas experts de l’accès aux aides, il existe un modèle économique dans lequel la décote à l’achat fait plus que compenser le coût des travaux nets d’aides publiques. C’est un exercice qui requiert une réelle expertise, un accès au financement bancaire et implique une certaine prise de risque. Il est difficile d’imaginer que beaucoup de nos concitoyens aient les capacités de se lancer dans ce type d’opérations même si, grâce à des ingénieries pointues et spécifiquement dédiées à ce type de projet — comme l’ingénierie BUNTI — la puissance publique peut décider de soutenir et de favoriser ce type de projet.
Le second cas de figure est moins rare : des acquéreurs qui achètent pour eux même, en profitant de la décote, avec la capacité à se dispenser de tout ou partie des travaux de rénovation énergétique, puisqu’aucune obligation ne pèse sur eux, ou encore à les étaler dans le temps ou les réaliser eux mêmes.
L’ancien bien noté est souvent inabordable et la hausse des coûts de construction fait que le prix des logements neufs — c’est-à-dire, en moyenne, les moins énergivores — se maintient à des niveaux historiquement élevés : du point de vue d’un primo-accédant ou d’un ménage aux revenus modestes, une passoire thermique est très attractive.
La part exacte des ménages qui achètent des passoires thermiques
pour les habiter ne nous est pas encore connue, même si les professionnels interrogés témoignent de son importance. Un indice, toutefois : l’offre de logements proposés à la location est en chute libre et les petites surfaces, particulièrement susceptibles d’être considérées comme des passoires thermiques, semblent être les plus impactées — ce qui laisse à penser que l’interdiction à la location des passoires thermiques ne pousse pas à les rénover mais plutôt à les sortir du marché locatif.
Bien sûr, il est possible que ces nouveaux propriétaires procèdent un jour aux actes de rénovation tant attendus afin de gagner en confort ou de réduire leur facture énergétique.
C’est à cela qu’est supposé servir le volet incitatif de nos politiques actuelles à ceci près que, selon la note du Conseil d’analyse économique (CAE) publiée en juin dernier :
Si la rénovation de 55% du parc apparaît socialement rentable, seule 5% l’est (sic) du point de vue privé, dès lors que sont prises en compte les nombreuses barrières à l’investissement.
Raison pour laquelle le CAE recommande de combler cet écart par des financements publics dont il estime le montant à 8 milliards d’euros par an pendant 25 ans. C’est-à-dire, pour prendre les chiffres du Conseil à la lettre, l’équivalent d’une soixantaine de lignes de métro neuves pour inciter les Français à rénover leurs logements alors que des exemples emblématiques comme le cas de la ville de Paris mais aussi le résultat de certains travaux de modélisation avancés semblent nous indiquer qu’aider nos centres-villes à se densifier serait, du point de vue de la réduction des émissions de CO2, mais peut-être aussi pour aider l’État et les collectivités locales à remplir leurs caisses, plus efficace.
Dans le fond, l’interdiction de location des passoires thermiques pourrait être plus utile pour favoriser l’accession à la propriété de ménages aux revenus plus modestes que pour forcer à la rénovation des logements. Il faudra cependant dans ce cas compenser les pertes du secteur locatif par le développement d’une offre nouvelle en locatif abordable ou social.
Enfin, si l’objectif est de favoriser la rénovation énergétique des logements, il semble qu’une approche globale, visant l’adaptation globale des logements aux besoins de leurs occupants — isolation, ensoleillement et éclairement, accès, stationnement, présence et qualité des espaces extérieurs — ait plus de chance de déclencher des travaux conduisant in fine à améliorer les performances énergétiques des bâtiments, et pas seulement, qu’une approche monodimensionnelle qui ne vise que cet objectif unique.
La ville est un système complexe, organique, au sein duquel des interdictions hâtives et trop simples ont souvent des effets inattendus.
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