On n’a retrouvé du manuscrit que le seul titre de cette fable de La Fontaine, des bribes, et sa morale préférée :
On a souvent besoin d’un plus petit que soi,…
le ver de terre du pollen de la fleur, et nos sols, du ver de terre !.
La Fontaine serait ravi de connaître les travaux de Michal Filipiak, chercheur du groupe d’écologie des écosystèmes de l’Institut des sciences de l’environnement à la Jagiellonian University de Cracovie en Pologne1. Ils confortent son intuition : Le pollen
Biodiversité : vers un nutri-score de nos plantations ?
ça nourrit bien sur les pollinisateurs qui fécondent les fleurs et vont le cueillir à sa source, mais ça circule beaucoup — grâce au vent — et ça fini en pluie de pollen par terre (des dizaines de kilos par hectare).2
Du coup, quantité de vies en mangent : bourdons, mouches, fourmis, acariens, araignées (qui les trouvent dans leurs toiles),… et, in fine, le monde des détritivores qui malaxent les litières pour les transformer en humus : bactéries, champignons, escargots… et vers de terre.3
Le chercheur polonais s’est plongé dans la digestion des litières et leur transformation et souligne l’importance des pollens comme ingrédient alimentaire fondamental pour rendre appétissantes et digestes les litières riches en carbone (C) et si pauvres en autres éléments dont l’azote (N), et autres potassium (K), phosphore (P),soufre (S), magnesium (Mg),… que les pollens apportent.
Parmis les annexes et sources citées par ce travail de recherche4, on découvre la longue liste des êtres vivants, notamment ceux qui constituent la biodiversité du sol
Jardins de Zurich : quand la densité urbaine impacte positivement la vie du sol
, qui profitent de la manne des pollen qui finissent au sol :
Champignons et bactéries, collemboles (fig. n°1), araignées, opilions, acariens, coléoptères, dermaptères (la familles des perces-oreilles
), névroptères (fig. n°2), hétéroptères (la famille des punaises), orthoptères (sauterelles, grillons et criquets), fourmis, syrphidées, guêpes, escargots, ….

Source : Philippe Garcelon | flickr.com

Source : Philippe Garcelon | flickr.com
Bilan: sans les pollens, le cycle de transformation de la litière végétale serait très lent et les champignons et bactéries moins productifs en humus. Un brin renversant comme perspective !
C’est clair, les fleurs façonnent notre monde, du sous-sol au plafond, interfèrent dans les cycles de l’azote et du carbone, et imposent à la planète leur loi généreuse via leurs pollens (fig. n°3).
Là où il y a des fleurs, les vies se diversifient, les milieux s’enrichissent et la génération suivante a plus et mieux…pas de quoi changer la morale de la fable !

Source : Damien Hicks | besjournals.onlinelibrary5
Notes :
- Filipiak, M. (2016). Pollen stoichiometry may influence detrital terrestrial and aquatic food webs. Front Ecol Evol 4: 138. https://doi.org/10.3389/fevo.2016.00138
- Les fleurs de certaines plantes, comme celle de la famille des bétulacées (bouleaux, noisetiers, aulnes, charmes,…), peuvent produire jusqu’à 30 kg de pollen par hectares.
- Soil life in action – Wim van Egmond 2017
- Filipiak, M. (2016). Pollen stoichiometry may influence detrital terrestrial and aquatic food webs. Front Ecol Evol 4: 138. https://doi.org/10.3389/fevo.2016.00138 – Supplementary Table 1. Examples of microorganisms and invertebrates known to supplement their diets with pollen but that are not considered
pollen-eaters
. Species that belong to presented taxa and are known obligatory pollen-eaters were not taken into consideration - HICKS, Damien. Biological Flora of Britain and Ireland: Corylus avellana: No. 302. Journal of Ecology, 2022, vol. 110, no 12, p. 3053-3089. https://doi.org/10.1111/1365-2745.14008