Cette propriété, la fine granularité, explique la différence de sort qui fut réservé, au 20ème siècle, aux grands ensembles d’un côté, et aux lotissements informels de l’autre : elle crée de l’antifragilité car elle contient le principe de la capacité d’adaptation du tissu urbain, grâce à un système de décision distribuée.
1. L’adaptabilité du tissu urbain par le découplage spatial et décisionnel
Un tissu urbain de fine granularité
est un espace dans lequel le nombre de logements dans chaque bâtiment, dans chaque parcelle, est varié, d’une part, et plutôt faible, d’autre part (jusqu’à 1 dans le cas d’un tissu de maisons individuelles).
La conséquence est que :
- chaque parcelle peut être aménagée et bâtie de façon spécifique, différemment de ses voisines, selon les besoins et les aspirations de ses propriétaires et occupants ;
- c’est non seulement la conception initiale qui peut être adaptée aux besoins spécifiques de ses occupants, mais également toutes les améliorations, adaptations et transformations futures qui ne seront pas soumises aux contraintes des voisins et de l’ensemble du tissu urbain.
2. Plus la granularité augmente, plus le tissu urbain est fragile
- On comprend aisément que plus la granularité est fine, plus la décision de faire, de transformer, d’agir, est simple.
- A l’inverse, le cas des indivisions montre ce qui se passe lorsque le nombre de décisionnaires augmente, qui doivent tomber d’accord, au même moment, pour entreprendre des travaux de transformation ou pour prendre la simple décision de vendre.
- Le cas des grandes copropriétés, et la difficulté que nous rencontrons pour leur faire entreprendre des travaux de rénovation, illustre la fragilité des systèmes urbains dont la gouvernance est rigide à cause du grand nombre de personnes qu’il est nécessaire de convaincre, de façon synchronisée, de prendre la décision d’abandonner le statut quo.
3. La densification qui progresse de façon incrémentale affine progressivement la granularité du tissu urbain
La préservation des terres naturelles et agricoles implique de faire la ville sur la ville
. Mécaniquement, plus le temps passe, plus les opportunités de construire sur les fonciers les plus 
Antifragilité : l’ « effet Lindy »
faciles
car les plus grands, s’épuisent.
Plus le temps passe, plus ces opportunités qui permettent le développement de projets de moyenne ou grande granularité disparaissent, et plus le gisement foncier résiduel est constitué de micro opportunités
20 millions de maisons attendent d’être construites au cœur de nos jardins
.
Ceci implique de revoir nos outils : nous allons devoir miniaturiser l’urbanisme opérationnel.
Mais, si vous m’avez bien suivi, ceci devrait — aussi — nous permettre de gagner en adaptabilité, optionalité
L’optionalité, cette propriété qui nous permet de faire de l’imprévu un atout
et donc antifragilité.
4. La miniaturisation des espaces peut aussi nous aider à adapter nos villes aux fortes chaleurs
Sur les cours de Tolède, mais aussi celles de Séville et Cordoue, des études conduites par des chercheurs espagnols démontrent :
- qu’elles permettent, par temps de canicule, de réduire de 6 à 12 degrés la température ambiante
Cours intérieures : une technique traditionnelle de climatisation passive des villes… qui révèle les limites de nos modèles de simulation du climat urbain
; - que plus le climat est chaud, plus elles sont nombreuses & étroites
Du nord au sud de l’Espagne : quand la morphologie des cours intérieures s’adapte au climat pour faire baisser la température en ville
.
Ces cours forment un système distribué de micro dispositifs de climatisation passive à l’échelle de l’ensemble du tissu urbain.
Leur capacité de maintien de températures fraîches échappe aux modélisations climatiques, qui ne parviennent pas à simuler les comportements de ces microclimats dans des espaces aussi restreint (moins de 10m2 pour l’essentiel).
Autrement dit, pour l’instant, en urbanisme, l’expérience des bâtisseurs et les propriétés des tissus urbains de fine granularité dépassent nos capacités de modélisation et de simulation.
